Discours de réception à l’Académie française
de Alfred de Vigny
Discours de réception à l’Académie française
Anonyme
Alfred de Vigny
1846
Messieurs,
Quel est le sentiment qui attire sans cesse devant vous, et presque parmi vous,
cette foule empressée et choisie, depuis l’époque déjà bien ancienne où vous avez
résolu de lui ouvrir ce sanctuaire des lévites qui croient sincèrement à la religion
des lettres ; cet atelier des artisans de la parole, comme les nomma l’un des plus
illustres de vos prédécesseurs ? – Pourquoi le bruit remplace-t-il ici le grave silence
des études ? Pourquoi l’agitation y fait-elle oublier, pour un moment, le calme des
dissertations savantes ?– Le motif de cette curiosité religieuse n’est-il pas le désir
de retrouver dans l’aspect de ceux dont on a lu les œuvres, ou dont on sait les actes
mémorables, quelque chose des émotions qu’on avait puisées dans la lecture de
leurs écrits et dans l’éclat de leurs actions ? N’est-ce pas l’ardeur de deviner sur
des fronts si souvent cachés, quelle harmonie existe entre l’homme et son œuvre,
entre ce créateur et ses créations ? Noble sentiment dont nous devons d’abord
remercier nos concitoyens, nos amis et nos frères, généreuse intention d’une
assemblée à la fois élégante et studieuse qui, par ses regards pensifs ou par ses
gracieux sourires, semble dire à chacun de vous :
« – Vous êtes passagers, mais vos ouvrages nous restent. Vous avez vécu, vous
avez travaillé pour nous ; nous n’ignorons pas votre vie, nous ...
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