Corse : La vengeance corseRevue des Deux MondesT.1, 1829Corse : La vengeance corseTradition du XVIe siècle.Tonio Guitera, le plus pauvre possidente, le plus déterminé chasseur et le plusbrave homme d’armes de la pieve de Guitera, se promenait un matin dans une deces vieilles forêts de pins, de chênes verts et de hêtres qui couvrent tout l’intérieurde la Corse, et forment un contraste pittoresque avec son littoral nu et dépouillé.Armé de sa longue carabine, trophée enlevé aux Génois, et à peu près le seul objetqu’il possédât au monde, avec le pauvre champ d’orge et la cahutte de pierressans ciment, qu’il appelait orgueilleusement sa casa, Tonino cheminait tête levée,chantant à pleine gorge une chanson d’amour, et aussi fier, aussi content de lui quesi le beau manoir seigneurial de Guitera, qu’il apercevait à ses pieds, lui eûtappartenu du chef de son père. Parent au trentième degré du possesseur de cedomaine, dont il portait aussi le nom, suivant le vieil usage de la Corse, où tous leshabitans d’un village, aux vendette près, sont de la même famille, Tonino, aprèstout, ne faisait nullement tort au noble nom qu’il portait, brave, actif, infatigable, rusécomme tous les Corses le sont, vindicatif comme ils se font gloire de l’être,compagnons le meilleur des 50 ou 60 hommes d’armes, espèce de clan guerrierque le chef de la famille, le sire de Guitera, pouvait armer au besoin. Dans toutesses guerres contre les Génois, Tonino avait partagé ses fatigues, ses ...
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