Corse : La folle de BastilicaRevue des Deux MondesT.1, 1829Corse : La folle de BastilicaJe venais de franchir la montagne qui sépare le beau vallon d’Ornano de celui deBastilica. Monté sur un de ces petits chevaux corses, laids, têtus et pleins de feu, jelui laissais descendre, la bride sur le cou, une pente rapide à travers les massifsépais d’une forêt vierge. La beauté du paysage, la pureté de l’air, le calme de cettenature majestueuse, me reposaient du babil de mon guide. Vêtu d’un grossiersurtout de poil de chèvre, son fusil en bandouillère, coiffé du bonnet national,semblable à un clocher de village, il marchait devant moi, se retournant à chaqueinstant pour me raconter de longues histoires de bandits, qui, loin de m’effrayer, neme causaient que de la fatigue et de l’impatience. Tout à coup je le vis s’arrêter,saisir son long fusil à monture de cuivre, s’élancer en bas de son cheval, et, le nezau vent, jeter sur les buissons son oeil gris et enfoncé, qui semblait percer laprofondeur. Le feuillage parut s’agiter: ce sont des bandits ou un sanglier, me dit-il,et déjà il ajustait, lorsqu’un éclat de rire sauvage sortit du buisson. « Ah![1]Mariantocè ,... s’écria-t-il en remettant son fusil à terre, j’allais prendre unechrétienne pour une bête fauve; mais cette fois il n’y a pas grande différence.» Jene comprenais pas ses paroles; un regard sur le buisson me les expliqua.Comment décrire l’objet qui en sortit? Ç’avait été une femme, ce n’était plus ...
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