Charles de Saint-ÉvremondŒuvres mêléesConversation de M. de Saint-Évremond avec le duc de CandaleCONVERSATION DE MONSIEUR DE SAINT-ÉVREMOND1AVEC LE DUC DE CANDALE .(1668 ; ébauchée en 1665.)Je ne prétends pas entretenir le public de ce qui me regarde. Il importe peu auxhommes de savoir mes affaires et mes disgrâces ; mais on ne sauroit trouvermauvais, sans chagrin, que je fasse réflexion sur ma vie passée, et que je détournemon esprit de quelques fâcheuses considérations sur des pensées un peu moinsdésagréables. Cependant, comme il est ridicule de parler toujours de soi, fût-ce àsoi-même, plusieurs personnes de grand mérite seront mêlées dans ce discours,qui me fera trouver plus de douceur qu’aucune conversation ne m’en peut donner,2depuis que j’ai perdu celle de M. d’Aubigny .3À la prison de Monsieur le Prince , j’avois un fort grand commerce avec M. deCandale. Les plaisirs l’avoient fait naître, et il étoit entretenu par de simplesagréments, sans dessein et sans intérêt. Il avoit vécu auparavant dans une étroite4 5 6amitié avec Moret et le chevalier de la Vieuville ; et Vineuil avoit donné à cetteunion le nom de Ligue, par une espèce de ridicule qu’elle méritoit assez. En effet,ils avoient mille secrets de bagatelles : ils faisoient des mystères de rien, et seretiraient en particulier dix fois le jour, sans aucun plaisir d’être ensemble, que celuid’être séparés des autres. Je ne laissois pas d’être de leur société, mais jamais deleur confidence, ...
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