Jean de La Fontaine — Fables de La FontainePhilémon et BaucisA Monseigneur le duc de VendômeNi l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux ;Ces deux divinités n’accordent à nos vœuxQue des biens peu certains, qu’un plaisir peu tranquille :Des soucis dévorants c’est l’éternel asile;Véritables vautours, que le fils de JapetReprésente, enchaîné sur son triste sommet.L’humble toit est exempt d’un tribut si funeste :Le sage y vit en paix, et méprise le reste ;Content de ces douceurs, errant parmi les bois,Il regarde à ses pieds les favoris des rois;Il lit au front de ceux qu’un vain luxe environneQue la Fortune vend ce qu’on croit qu’elle donne.Approche-t-il du but, quitte-t-il ce séjour,Rien ne trouble sa fin : c’est le soir d’un beau jour.Philémon et Baucis nous en offrent l’exemple :Tous deux virent changer leur cabane en un temple.Hyménée et l’Amour, par des désirs constants,Avaient uni leurs cœurs dès leur plus doux printemps.Ni le temps ni l’hymen n’éteignirent leur flamme ;Clothon prenait plaisir à filer cette trame.Ils surent cultiver, sans se voir assistés,Leur enclos et leur champ par deux fois vingt étés.Eux seuls ils composaient toute leur république :Heureux de ne devoir à pas un domestiqueLe plaisir ou le gré des soins qu’ils se rendaient !Tout vieillit : sur leur front les rides s’étendaient ;L’amitié modéra leurs feux sans les détruire,Et par des traits d’amour sut encor se produire.Ils habitaient un bourg plein de gens dont le ...
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