Charles BaudelaireL’Art romantiqueIVPEINTRESETAQUA-FORTISTESDepuis l’époque climatérique où les arts et la littérature ont fait en France uneexplosion simultanée, le sens du beau, du fort et même du pittoresque a toujoursété diminuant et se dégradant. Toute la gloire de l’École française, pendantplusieurs années, a paru se concentrer dans un seul homme (ce n’est certes pas deM. Ingres que je veux parler) dont la fécondité et l’énergie, si grandes qu’ellessoient, ne suffisaient pas à nous consoler de la pauvreté du reste. Il y a peu detemps encore, on peut s’en souvenir, régnaient sans contestation la peintureproprette, le joli, le niais, l’entortillé, et aussi les prétentieuses rapinades, qui, pourreprésenter un excès contraire, n’en sont pas moins odieuses pour l’œil d’un vraiamateur. Cette pauvreté d’idées, ce tatillonnage dans l’expression, et enfin tous lesridicules connus de la peinture française, suffisent à expliquer l’immense succèsdes tableaux de Courbet dès leur première apparition. Cette réaction, faite avec lesturbulences fanfaronnes de toute réaction, était positivement nécessaire. Il fautrendre à Courbet cette justice, qu’il n’a pas peu contribué à rétablir le goût de lasimplicité et de la franchise, et l’amour désintéressé, absolu, de la peinture.Plus récemment encore, deux autres artistes, jeunes encore, se sont manifestésavec une vigueur peu commune.Je veux parler de M. Legros et de M. Manet. On se souvient des ...
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