Alphonse de Lamartine — Harmonies poétiques et religieuses
Livre quatrième
Novissima Verba
ou
Mon âme est triste jusqu'à la mort
La nuit roule en silence autour de nos demeures
Sur les vagues du ciel la plus noire des heures :
Nul rayon sur mes yeux ne pleut du firmament,
Et la brise n'a plus même un gémissement,
Une plainte, qui dise à mon âme aussi sombre :
Quelque chose avec toi meurt et se plaint dans l'ombre!
Je n'entends au-dehors que le lugubre bruit
Du balancier qui dit : le temps marche et te fuit;
Au-dedans, que le pouls, balancier de la vie,
Dont les coups inégaux dans ma tempe engourdie
M'annoncent sourdement que le doigt de la mort
De la machine humaine a pressé le ressort,
Et que, semblable au char qu'un coursier précipite,
C'est pour mieux se briser qu'il s'élance plus vite!
Et c'est donc là le terme! - Ah! s'il faut une fois
Que chaque homme à son tour élève enfin la voix,
C'est alors! c'est avant qu'une terre glacée
Engloutisse avec lui sa dernière pensée!
C'est à cette heure même où, prête à s'exhaler,
Toute âme a son secret qu'elle veut révéler,
Son mot à dire au monde, à la mort, à la vie,
Avant que pour jamais, éteinte, évanouie,
Elle n'ait disparu, comme un feu de la nuit,
Qui ne laisse après soi ni lumière ni bruit!
Que laissons-nous, ô vie, hélas! quand tu t'envoles?
Rien, que ce léger bruit des dernières paroles,
Court écho de nos pas, pareil au bruit plaintif
Que fait en palpitant la voile de l'esquif,
Au murmure d'une ...
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