LES TRACHINIENNESSophocletraduction de Leconte de LisleDÈIANEIRA.C'est une parole antique et bien connue dans la bouche des hommes, qu'on nesaurait dire, avant qu'il soit mort, si la vie de chacun a été bonne ou mauvaise.Mais, moi, je sais, avant d'aller dans le Hadès, que ma vie a été malheureuse etlamentable, moi qui, habitant encore Pleurôn, dans la demeure paternelle d'Oineus,aisouffert, plus que toute vierge Aitolienne, une très cruelle angoisse, à cause de mesnoces. En effet, mon prétendant était un fleuve, Akhélôos, qui, revêtu d'une tripleforme, me demandait à mon père. Tantôt, il venait tel qu'un taureau, tantôt, commeun dragon souple et changeant, tantôt comme un homme à tête de taureau, et deson menton poilu les eaux ruisselaient comme d'une source. En attendant un telépoux, malheureuse, je désirais toujours mourir plutôt que d'entrer dans son lit ;mais, à ma joie, survint plus tard l'illustre enfant de Zeus et d'Alkmèna, qui luttacontre Akhélôos et me délivra. Je ne raconterai pas les faits de ce combat ; je lesignore, en effet. Qu'il les raconte, celui qui assista sans crainte à ce spectacle. Pourmoi, j'étais assise, épouvantée, craignant que ma beauté me portât malheur. Enfin,Zeus, qui règle les combats, donna à celui-ci une heureuse fin, si je puis la direheureuse ; car, depuis le jour où je fus choisie pour entrer dans le lit de Hèraklès, jevais de terreurs en terreurs, toujours anxieuse de sa destinée, et la nuit qui dissipemes ...
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