Alphonse de Lamartine — Recueillements poétiquesLe Tombeau de David à Jérusalem[1]À M. Dargaud IO harpe qui dors sur la têteImmense du poëte-roi,Veuve immortelle du prophète,Un jour encore éveille-toi !Quoi ! dans cette innombrable fouleDes races dont le pied te foule,Il n’est plus une seule mainQui te remue et qui t’accorde,Et qui puisse un jour sur ta cordeFaire éclater l’esprit humain ?Es-tu comme le large glaiveDans les tombes de nos aïeux,Qu’aucun bras vivant ne soulèveEt que Ton mesure des yeux ?Harpe colossale, es-tu commeCes immenses ossements d’hommeQue le soc entraîne avec lui,Grands débris d’une autre natureQui, pour animer leur stature,Voudraient dix âmes d’aujourd’hui ?Est-ce que l’haleine divineQui souffla mille ans sur ces bordsNe soulève plus de poitrineAssez mâle pour tes accords ?Cordes muettes de Solyme,Que faut-il pour qu’un Dieu ranimeCes ferventes vibrations ?Viens sur mon sein, harpe royale :Écoute si ce cœur égaleTes larges palpitations.N’y sens-tu pas battre cette âmeQui lutte avec des sens mortels,Et qui jette au milieu du drameDes cris qui fendent les autels ?N’y sens-tu pas dans son cratère,Comme des laves sous la terre,Gronder les fibres de douleurs ?N’entends-tu pas sous leurs racines,Comme un Cédron sous ses ravines.Filtrer le sourd torrent des pleurs ?Faut-il avoir dans son enfance.Gardien d’onagre et de brebis,Brandi la fronde pour défense,Porté leurs toisons pour habits ?Faut-il avoir sur ...
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