Alphonse de Lamartine — Nouvelles Méditations poétiquesMéditation vingt-deuxièmeLe CrucifixToi que j’ai recueilli sur sa bouche expiranteAvec son dernier souffle et son dernier adieu,Symbole deux fois saint, don d’une main mourante, Image de mon Dieu ;Que de pleurs ont coulé sur tes pieds que j’adore,Depuis l’heure sacrée où, du sein d’un martyr,Dans mes tremblantes mains tu passas, tiède encore De son dernier soupir !Les saints flambeaux jetaient une dernière flamme ;Le prêtre murmurait ces doux chants de la mort,Pareils aux chants plaintifs que murmure une femme À l’enfant qui s’endort.De son pieux espoir son front gardait la trace,Et sur ses traits, frappés d’une auguste beauté,La douleur fugitive avait empreint sa grâce, La mort sa majesté.Le vent qui caressait sa tête écheveléeMe montrait tour à tour ou me voilait ses traits,Comme l’on voit flotter sur un blanc mausolée L’ombre des noirs cyprès.Un de ses bras pendait de la funèbre couche ;L’autre, languissamment replié sur son cœur,Semblait chercher encore et presser sur sa bouche L’image du Sauveur.Ses lèvres s’entr’ouvraient pour l’embrasser encore ;Mais son âme avait fui dans ce divin baiser,Comme un léger parfum que la flamme dévore Avant de l’embraser.Maintenant tout dormait sur sa bouche glacée,Le souffle se taisait dans son sein endormi,Et sur l’œil sans regard la paupière ...
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