Le Chat, la Belette, et le petit Lapin

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XV.Le Chat, la Belette & le petit LapinDu palais d’un jeune LapinDame Belette un beau matinS’empara ; c’eſt une ruſée.Le Maiſtre eſtant abſent, ce luy fut choſe aiſée.Elle porta chez luy ...
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Du palais d’un jeune Lapin Dame Belette un beau matin S’empara ; c’eſt une ruſée. Le Maiſtre eſtant abſent, ce luy fut choſe aiſée.
XV. Le Chat, la Belette & le petit Lapin
Elle porta chez luy ſes pénates un jour Qu’il eſtoit allé faire à l’Aurore ſa cour, Parmy le thim & la roſée. Après qu’il eut brouté, troté, fait tous ſes tours, Janot Lapin retourne aux ſoûterrains ſejours. La Belette avoit mis le nez à la feneſtre. Ô Dieux hoſpitaliers, que vois-je icy paroiſtre ? Dit l’animal chaſſé du paternel logis : Ô là, Madame la Belette, Que l’on déloge ſans trompette, Ou je vais avertir tous les rats du païs. La Dame au nez pointu répondit que la terre Eſtoit au premier occupant. C’eſtoit un beau ſujet de guerre Qu’un logis où lui-meſme il n’entroit qu’en rampant.
Et quand ce ſeroit un Royaume, Je voudrois bien ſçavoir, dit-elle, quelle loy En a pour toûjours fait l’octroy À Iean fils ou nepueu de Pierre ou de Guillaume, Plutoſt qu’à Paul, plutoſt qu’à moy. Iean lapin allegua la coutume & l’uſage. Ce ſont, dit-il, leurs loix qui m’ont de ce logis Rendu maiſtre & ſeigneur, & qui de pere en fils, L’ont de Pierre à Simon, puis à moy Iean tranſmis. Le premier ocupant eſt-ce une loy plus ſage ? Or bien ſans crier davantage, Rapportons nous, dit-elle, à Raminagrobis. C’eſtoit vn chat vivant comme vn dévot hermite, Vn chat faiſant la chatemite, Vn ſaint homme de chat, bien fourré, gros & gras,
Arbitre expert ſur tous les cas. Iean Lapin pour juge l’agrée. Les voila tous deux arrivez Devant ſa majeſté fourrée. Grippeminaud leur dit, mes enfans approchez, Approchez ; je ſuis ſourd ; les ans en ſont la cauſe. L’vn & l’autre approcha ne craignant nulle choſe. Auſſi-toſt qu’a portée il vid les conteſtans, Grippeminaud le bon apoſtre Jettant des deux coſtez la griffe en meſme temps, Mit les plaideurs d’accord en croquant l’vn & l’autre. Ceci reſſemble fort aux debats qu’ont parfois Les petits ſouverains ſe rapportans aux Rois.
Fables de La Fontaine : Barbin & Thierry | Georges Couton
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