Alphonse de Lamartine — Harmonies poétiques et religieusesLivre deuxièmeLa Source dans les bois d’***Source limpide et murmuranteQui de la fente du rocherJaillis en nappe transparenteSur l'herbe que tu vas coucher,Le marbre arrondi de Carrare,Où tu bouillonnais autrefois,Laisse fuir ton flot qui s'égareSur l'humide tapis des bois.Ton dauphin verdi par le lierreNe lance plus de ses naseaux,En jets ondoyants de lumière,L'orgueilleuse écume des eaux.Tu n'as plus pour temple et pour ombreQue ces hêtres majestueuxQui penchent leur tronc vaste et sombreSur tes flots dépouillés comme eux.La feuille que jaunit l'automneS'en détache et ride ton sein,Et la mousse verte couronneLes bords usés de ton bassin.Mais tu n'es pas lasse d'éclore :Semblable à ces cœurs généreuxQui, méconnus, s'ouvrent encorePour se répandre aux malheureux.Penché sur ta coupe brisée,Je vois tes flots ensevelisFiltrer comme une humble roséeSous les cailloux que tu polis.J'entends ta goutte harmonieuseTomber, tomber, et retentirComme une voix mélodieuseQu'entrecoupe un tendre soupir.Les images de ma jeunesseS'élèvent avec cette voix ;Elles m'inondent de tristesse,Et je me souviens d'autrefois.Dans combien de soucis et d'âges,O toi que j'entends murmurer,N'ai-je pas cherché tes rivagesOu pour jouir ou pour pleurer !A combien de scènes passéesTon bruit rêveur s'est-il mêlé !Quelle de mes tristes penséesAvec tes flots n'a pas coulé!Oui, c'est moi que tu vis naguères ...
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