Fable I.L’Homme & la Couleuvre.Un homme vid une Couleuvre.Ah ! méchante, dit-il, je m’en vais faire une œuvreAgreable à tout l’univers.À ces mots l’animal pervers(C’eſt le ſerpent que je veux dire,Et non l’homme, on pourroit aiſément s’y tromper.)À ces mots le ſerpent ſe laiſſant attraperEſt pris, mis en un ſac , & ce qui fut le pire,On reſolut ſa mort, fuſt-il coupable ou non.Afin de le payer toutefois de raiſon,L’autre luy fit cette harangueSymbole des ingrats, eſtre bon aux méchans,C’eſt eſtre ſot, meurs donc : ta colere & tes dentsNe me nuiront jamais. Le Serpent en ſa langue,Reprit du mieux qu’il put : S’il faloit condamnerTous les ingrats qui ſont au monde,À qui pourroit-on pardonner ?Toy-meſme tu te fais ton procés. Je me fondeSur tes propres leçons ; jette les yeux ſur toy.Mes jours ſont en tes mains, tranche-les : ta juſticeC’eſt ton utilité, ton plaiſir, ton caprice ;Selon ces loix, condamne-moy :Mais trouve bon qu’avec franchiſeEn mourant au moins je te diſe,Que le ſymbole des ingratsCe n’eſt point le ſerpent, c’eſt l’homme. Ces parolesFirent arreſter l’autre ; il recula d’un pas.Enfin il repartit. Tes raiſons ſont frivoles :Je pourrois décider ; car ce droit m’appartient :Mais rapportons nous en. Soit fait, dit le reptile.Une vache eſtoit là, l’on l’appelle, elle vient,Le cas eſt propoſé, c’eſtoit choſe facile.Faloit-il pour cela, dit-elle, m’appeller ?La Couleuvre a raiſon, pourquoy diſſimuler ?Je nourris celuy-cy depuis ...
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