Victor Hugo — Les ChâtimentsJoyeuse vie IBien ! pillards, intrigants, fourbes, crétins, puissances !Attablez-vous en hâte autour des jouissances !Accourez ! place à tous !Maîtres, buvez, mangez, car la vie est rapide.Tout ce peuple conquis, tout ce peuple stupide,Tout ce peuple est à vous !Vendez l'état ! coupez les bois ! coupez les bourses !Videz les réservoirs et tarissez les sources !Les temps sont arrivés.Prenez le dernier sou ! prenez, gais et faciles,Aux travailleurs des champs, aux travailleurs des villes !Prenez, riez, vivez !Bombance ! allez ! c'est bien ! vivez ! faites ripaille !La famille du pauvre expire sur la paille,Sans porte ni volet.Le père en frémissant va mendier dans l'ombre ;La mère n'ayant plus de pain, dénûment sombre,L'enfant n'a plus de lait. IIMillions ! millions ! châteaux ! liste civile !Un jour je descendis dans les caves de LilleJe vis ce morne enfer.Des fantômes sont là sous terre dans des chambres,Blêmes, courbés, ployés ; le rachis tord leurs membresDans son poignet de fer.Sous ces voûtes on souffre, et l'air semble un toxiqueL'aveugle en tâtonnant donne à boire au phtisiqueL'eau coule à longs ruisseaux ;Presque enfant à vingt ans, déjà vieillard à trente,Le vivant chaque jour sent la mort pénétranteS'infiltrer dans ses os.Jamais de feu ; la pluie inonde la lucarne ;L'oeil en ces souterrains où le malheur s'acharneSur vous, ô travailleurs,Près du rouet ...
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