Alphonse de Lamartine — Harmonies poétiques et religieuses
Livre quatrième
Hymne de l’ange de la terre après la destruction du globe
La terre n'était plus qu'une tombe fermée ;
Masse informe et muette, éteinte, inanimée,
Elle flottait au rang qu'elle avait occupé,
Comme un vaisseau muet que la foudre a frappé,
Quand la main qui le guide est tombée en poussière,
Suit encore un moment sa rapide carrière,
Puis chancelle et s'arrête, et de ses flancs déserts
Ne rend plus qu'un son creux au sourd roulis des mers.
La vie, en remontant à sa source suprême,
La vie avait quitté jusqu'aux éléments même ;
Le dernier des vivants, d'où son souffle avait fui,
Était mort; et la terre était morte avec lui,
Morte avec tous ses fruits, morte avec tout leur germe,
Morte avec chaque loi que chaque règne enferme,
Morte avec tous ses bruits et tous ses mouvements.
Avec tous ses instincts et tous ses sentiments,
Morte avec tous ses feux éteints dans ses abîmes,
Morte avec ses vapeurs retombant de ses cimes,
Morte avec tous ses vents; et son silence seul
L'enveloppait partout comme un morne linceul,
Un soleil sans rayons, de ses reflets funèbres,
Ne pouvait que pâlir ces flottantes ténèbres,
Rien n'y réfléchissait l'aurore ni le soir :
Tel, dans un œil éteint qui ne peut plus la voir,
La clarté d'un flambeau tombe eu vain; la paupière,
Comme un miroir terni, change en nuit la lumière.
C'était un point obscur dans le vide de l'air,
Un cadavre flottant sur les flots de l'éther ;
Et l'esprit du ...
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