Alphonse de Lamartine — Recueillements poétiquesCantique sur la mort de Madame la duchesse de Broglie Quand le printemps a mûri l’herbeQui porte la vie et le pain,Le moissonneur liant la gerbeL’emporte à l’aire du bon grain ;Il ne regarde pas si l’herbe qu’il enlèveVerdit encore au pied de jeunesse et de sève,Ou si, sous les épis courbés en pavillon,Quelques frêles oiseaux, à qui l’ombre était douce,Du soleil ou du vent s’abritaient sur la mousse,Dans le nid caché du sillon.Que lui fait la fleur bleue ou blancheQui , liée en faisceau doré,Sur le bras qui l’emporte, pencheSon front mort et décoloré ?« Portez les blonds épis sur mon aire d’argile !Faites jaillir le blé de la paille fragile !La fleur parfumera le froment de son miel,Et broyé sous la meule où Dieu fait sa mouture,Ce grain d’or deviendra la sainte nourritureQue rompent les enfants du ciel ! »Seigneur ! ainsi tu l’as cueillieAux jours de sa félicité,Cette femme qui multiplieTon nom dans sa postérité !En vain, dans le lit d’or dont ses jours étaient l’onde.On voyait resplendir l’eau limpide et profonde,En vain sa chevelure à ses pieds ruisselait,En vain un tendre enfant, dernier fruit de sa couche,Ouvrait les bras à peine et s’essuyait la boucheTeinte encor de son chaste lait.Tu vois cette âme printanière,Fructifiant avant l’été,Répandre en dons, comme en prière,Son parfum de maturité ;Et tu dis à la Mort, ministre de ta grâce :« Laisse tomber sur elle un rayon de ma face ...
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