Alphonse de Lamartine — Recueillements poétiques[1]À une jeune fille poète Quand, assise le soir au bord de ta fenêtre,Devant un coin du ciel qui brille entre les toits,L’aiguille matinale a fatigué tes doigts,Et que ton front comprime une âme qui veut naître.Ta main laisse échapper le lin brodé de fleursQui doit parer le front d’heureuses fiancées,Et, de peur de tacher ses teintes nuancées,Tes beaux yeux retiennent leurs pleurs.Sur les murs blancs et nus de ton modeste asile,Pauvre enfant, d’un coup d’œil tout ton destin se lit :Un crucifix de bois au-dessus de ton lit,Un réséda jauni dans un vase d’argile,Sous tes pieds délicats la terre en froids carreaux,Et, près du pain du jour que la balance pèse,Pour ton festin du soir le raisin ou la fraiseQue partagent tes passereaux !Tes mains sur tes genoux un moment se délassent :Puis tu vas t’accouder sur le fer du balconOù le pampre grimpant, le lierre au noir flocon,A tes cheveux épars, amoureux, s’entrelacent ;Tu verses l’eau de source à ton pâle rosier,Tu gazouilles son air à ton oiseau fidèleQui becqueté ta lèvre en palpitant de l’aileA travers les barreaux d’osier.Tu contemples le ciel que le soir décoloré,Quelque dôme lointain de lumière écumant,Ou plus haut, seule au fond du vide firmament,L’étoile, comme toi, que Dieu seul voit éclore ;L’odeur des champs en fleurs monte à ton haut séjour,Le vent fait ondoyer tes boucles sur ta tempe ;La nuit ferme le ciel, tu rallumes ta lampe,Et le ...
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