Cinqmars et DervilleDenis DiderotCINQMARS et DERVILLE entrent ensemble dans les jardins de l’hôpital ; Cinqmarsmarche d’un air soucieux ; Derville est à côté de lui.DERVILLE.D’où vient donc cette retraite précipitée ?CINQMARS.Laissez-moi.DERVILLE.Quitter ainsi ses amis au sortir de la table ! au moment où l’on est le plus sensibleau plaisir de se voir, et lorsque le chevalier, par des anecdotes charmantes, pardes saillies divines, rendait cette journée la plus délicieuse que j’aie passée depuislongtemps !… (Cinqmars le regarde d’un air sombre et mêlé de pitié.) Pour moi, j’ai faillimourir de rire à sa dernière histoire.CINQMARS.Eh ! mordieu, c’est précisément celle-là qui m’a fait fuir. Les propos, le lieu, lerepas, tout m’a déplu… N’avez-vous point honte de rire comme vous avez fait ?DERVILLE.Moi, honte! et pourquoi?CINQMARS., se tournant vers la maison d’où ils sortent.La maison des pauvres ainsi décorée !… ce jardin… ces allées où nous voici, medéchirent l’âme… Je ne puis plus y tenir. Sortons d’ici.DERVILLE.Je ne vous comprends pas. D’où vous vient cet accès de misanthropie ? Je nevous ai jamais vu comme cela. N’ étions-nous pas avec tous nos amis, chezl’homme du monde qui vous est le plus attaché, qui vous en a donné le plus depreuves ? Vous étiez si gai avant le repas.CINQMARS.C’est que je comptais dîner chez mon ami.DERVILLE.Eh bien ?CINQMARS.Eh bien, n’avez-vous pas entendu ?DERVILLE.Quoi ?CINQMARS, sans le regarder.Un ...
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