Chronique de la quinzaine — 14 mai 1842
Victor de Mars
Revue des Deux Mondes
4ème série, tome 30, 1842
Chronique de la quinzaine/1842/14 mai 1842
De grands malheurs ont détourné, ces jours-ci, les esprits des débats de la
politique. Chez nous, un horrible accident a couvert de deuil un jour de fête et de
plaisir, et en présence de tous ces cadavres auxquels la mort n’a pas même laissé
forme humaine, l’imagination attérée se demande : que serait-il donc arrivé si
l’incendie eût éclaté quelques mètres plus loin, lorsque le convoi, suspendu en
quelque sorte dans les airs à l’aide du viaduc, franchissait un abîme ?
Nous ne voulons pas anticiper sur les résultats des enquêtes et prononcer des
jugemens hasardés. Que la justice informe et qu’elle prononce sur le passé ; il lui
appartient. Nous nous préoccupons de l’avenir, et nous sommes de ceux qui
demandent des études sérieuses et des précautions sévères. Qu’on ne vienne pas
nous dire qu’en comptant tous les voyages faits sur nos chemins de fer, et en
comparant le nombre des victimes à celui de toutes les personnes qui ont fait
usage de ce moyen de transport, il n’y a pas sujet de s’alarmer ; qu’après tout, ce
n’est qu’un accident sur des milliers de trajets, et que le nombre des morts et des
blessés ne représente qu’une minime portion sur chaque centaine de voyageurs.
Nous repousserions avec dédain ces tristes consolations de la statistique, ainsi
que toute considération de même nature, car nous ne confondrons jamais ...
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