Apologie de Monsieur le prince de MarcillacFrançois de La Rochefoucauld1649Je ne présume pas assez de ma vertu pour oser répondre que j’aurais haï lecardinal Mazarin, quand il m’aurait aimé ; peut-être qu’il eût fait des choses pourmes intérêts qui m’auraient déguisé tout ce qu’on lui a vu faire contre ceux de l’État,et une mauvaise honte me ferait possible périr dans une mauvaise cause où desobligations signalées m’auraient engagé insensiblement. Je consens donc qu’il dieque je serais son ami, si mon malheur avait voulu qu’il eût été le mien ; que j’auraisdéfendu ses crimes, s’il y avait eu lieu de croire que je m’en fusse prévalu, etqu’enfin j’aurais pu commettre de grandes injustices, de peur qu’il ne me semblâtque j’eusse commis de grandes ingratitudes. Mais que peut-il conclure de tout cetaveu ? Fallait-il que je me sacrifiasse pour lui, parce qu’il n’y avait rien à quoi il n’eûtété capable de me sacrifier ? Devais-je mon épée à l’affermissement d’une autoritéque je n’ai connue, en mon particulier, que par les dommages que j’en ai reçus ? Etserai-je un ingrat et un traître pour n’avoir pas pris, contre ma patrie et contre monRoi, le parti de celui qui causait ma ruine aussi bien que la leur ? Sans mentir, sil’honneur et la conscience veulent qu’on se dévoue au salut de ses oppresseurs etde ses tyrans, c’est avec raison qu’il se plaint de moi, et, par cette même raison, ilne doit avoir guère moins de gardes que cette couronne a de sujets, puisqu’il ...
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