SouvenirsLéon TolstoïAdolescenceTraduction de Arvède Barine.1913XXIV - OÙ MES IDÉES CHANGENTDeux équipages sont de nouveau rangés devant le perron de Petrovskoë. L’un est une voiture fermée, dans laquelle prennent placeMimi, Catherine, Lioubotchka et une femme de chambre. Iacof en personne, l’intendant, est sur le siège et conduit. L’autre équipageest une britchka. J’y monte avec Volodia et notre nouveau laquais, Vassili.Papa, qui doit nous suivre dans quelques jours à Moscou, est nu-tête sur le perron ; il fait le signe de la croix sur la portière de lavoiture fermée et sur la britchka.« Le Seigneur soit avec vous ! En route ! »Iacof et le cocher (nous partions avec nos chevaux) ôtent leurs bonnets fourrés et se signent. « Dieu soit avec nous ! » Les caissesdes voitures commencent à sauter sur le chemin raboteux et les bouleaux de la grande allée défilent l’un après l’autre devant nous. Jene suis pas le moins du monde triste ; les yeux de mon esprit regardent ce qui m’attend et non ce que je quitte. À mesure que jem’éloigne des objets auxquels se rattachent les cruels souvenirs dont mon âme a été remplie jusqu’à présent, ces souvenirss’émoussent et se transforment rapidement en une sensation agréable : se sentir vivre, se sentir jeune, plein de force et d’espoir.J’ai rarement passé des jours, je ne dirai pas aussi gais, — je me faisais encore scrupule d’être gai, — mais aussi agréables, aussibons, que les quatre jours de ce voyage. Je n’avais plus sous ...
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