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H UGU ES REBELL
LES N U I TS CHA U DES
DU CAP F RANÇAIS
BI BEBO O KH UGU ES REBELL
LES N U I TS CHA U DES
DU CAP F RANÇAIS
1918
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1135-5
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A MAURICE SAILLAND
1LI V RE P REMI ER
2LA V ENGEANCE D’U N
I NCON N U
Borde aux, p ar un matin d’été , et, que je suivais,
av e c un ami, une r uelle sombr e conduisant à la Porte du Palais,C mon r eg ard s’aacha sur une maison du X V I I I ᵉ siè cle , aux
balcons de fer r enflés, soutenus de cariatides, aux hautes fenêtr es sur monté es
de mascar ons grimaçants. Encadré e de jardins, de hauts feuillag es pleins
de ténèbr es, elle semblait pr endr e ses aises av e c les baraques étriqué es,
tordues, sans doute p auv r ement habité es, de son entourag e , où l’ on v o yait
du ling e et des mouchoir s r oug es à sé cher . En dépit de la lumièr e jaune et
avar e qui ne l’é clairait qu’à demi, des figur es sculpté es assez r udement,
des amour s aux jamb es cagneuses et aux pie ds ser p entins cabriolant sous
les balustr es massifs du pr emier étag e , cee demeur e avait grand air ; j’y
lisais comme une e xpr ession de richesse fastueuse et insolente ; des
souv enir s de ce nég o ce hardi qui s’ en allait à trav er s le monde , à la r uine ou
à la fortune et qui, s’il avait réussi, étalait au r etour son triomphe et criait
ses plaisir s.
V o yant que les vieux mur s m’avaient r endu song eur , mon comp
agnon, qui était de la ville , me dit : « Cee maison a une histoir e
singu3Les Nuits chaudes du Cap français Chapitr e
lièr e . » Je la lui demandai. Et v oici à p eu près ce qu’il me conta, tandis
que nous nous faisions un chemin av e c p eine au milieu des mar chandes
de fr uits v oiturant leur s é v entair es et des ser vantes allant aux pr o visions,
les che v eux enr oulés sous un foulard é carlate .
††
Pour é craser l’émeute qu’avaient soule vé e à Borde aux l’ar r estation
des députés gir ondins, l’ar rêt des affair es et enfin la famine , la Conv ention
v enait d’ env o y er av e c pleins p ouv oir s le r eprésentant T allien. C’était un
homme mé dio cr e , p aisible , mais fat et ambitieux qui, p ar intérêt, b esoin de
se distinguer , de conquérir un rang éle vé dans la République , de vint tout
d’un coup sanguinair e . T r ouvant que l’insur r e ction s’était calmé e tr op
pr omptement p our sa gloir e , il affe cta de dé couv rir p artout des complots
et des conspirateur s, et la guillotine ne chôma plus.
Cep endant, au milieu de ces b oucheries, T allien eut un moment
d’humanité et il se laissa aendrir . Une jeune femme , érésia de Cabar r us,
ép ouse div or cé e de M. de Fontenay , se tr ouvant en prison comme
susp e cte , s’autorisa d’une courte entr e v ue qu’ elle avait eue naguèr e av e c le
r eprésentant p our lui demander justice ; elle p ar vint à le v oir , le toucha de
sa viv e et ag açante b e auté d’Esp agnole . T allien lui r endit la lib erté , et n’ eut
p as de p eine ensuite à en fair e sa maîtr esse ; sans êtr e b e au ni agré able ,
c’était alor s une puissance , que érésia, p eu far ouche , et surtout intér
essé e , de vait se plair e à conquérir . On les vit p asser sur le Cour s de T our ny ,
enlacés comme d’humbles et obscur s amour eux ; dès lor s, Borde aux les
confondit dans la même répr obation.
érésia, p ourtant, loin de r essembler à T allien, meait son honneur
féminin à êtr e b onne et s’appliquait à la miséricorde comme à une
élég ance . Ar racher de T allien des p assep orts, p arfois des le vé es d’é cr ou ;
empê cher des visites domiciliair es, pré v enir des condamnations, c’était
son jeu. Seulement, comme la b onté est une v ertu qui mérite ré comp ense
et qu’ on ne p eut guèr e aendr e celles de l’autr e monde , érésia tr
ouvait juste de fair e p ay er ses grâces à ses oblig és. T antôt c’était un collier
de douze ou quinze mille liv r es, tantôt c’était pr esque une fortune , vite
g aspillé e d’ailleur s, en jo yaux, en toilee et en fêtes.
Le ménag e vivait ainsi, fort doucement, des menaces du maîtr e et des
rémissions de la maîtr esse . Il y avait bien, de temps à autr e , de légèr es
4Les Nuits chaudes du Cap français Chapitr e
quer elles, soit que T allien jug eât p érilleuse la v ente d’une nouv elle grâce ,
soit que érésia se fût montré e tr op aimable p our les camarades du r
eprésentant. A v e c des façons d’ ours mal appriv oisé , il criait à son amie :
« Si tu continues, je vais te fair e guillotiner . » Mais la jeune femme lui
répliquait en riant : « C’ est bien ! je ne t’ embrasse plus. » Et sans for ce
ar mé e , sans b our r e au, sans p ouv oir s der rièr e elle , c’était encor e la plus
puissante .
Elle se faisait un div ertissement, ou même une ar me , de ces colèr es
qu’ elle savait fugitiv es, dont elle humiliait ensuite T allien, et qui le lui r
endaient plus soumis, plus aaché . Alor s, semblable aux femmes qui n’ ont
p oint à compter av e c l’amour , elle sacrifiait ses adorateur s à sa fortune .
Un matin qu’ elle était encor e couché e , g oûtant ces v oluptés de p ar esse
qui sont si chèr es aux cré oles et aux méridionales, on lui app orta une ler e
qui longtemps la se coua de rir es et la r emplit d’une g aieté enfantine . Bien
que érésia eût le style emphatique et contour né dès qu’ elle se mêlait
d’é crir e , les manièr es prétentieuses de son cor r esp ondant ne l’ en
amusèr ent p as moins à l’ e x cès. La tête r env er sé e sur l’ or eiller , ayant p eine à
contenir son rir e :
― Tiens, r eg arde-moi cela, dit-elle à T allien qui travaillait près de son
lit, et elle lui tendit l’épîtr e d’un g este nonchalant, au b out de son bras nu.
« Jamais l’inno cence , é crivait-on, entr e autr es compliments, n’a
décoré un fr ont plus pur que le vôtr e ; il r endrait l’ Amour muet, et glacerait
jusqu’au D ésir , si v otr e b ouche mutine , for mé e p ar les Grâces, en
inspirant l’admiration, ne laissait cr oir e aussi que les p ar oles sensibles et
pito yables lui conviennent mieux que les cr uelles. . . »
― Hein ! s’é cria érésia, tu ne m’ en as jamais é crit de p ar eilles !
― L’insolent, mur murait T allien.
― Bah ! fit-elle , c’ est du b el esprit de pr o vince . Ça ne tir e p as à
conséquence .
― Bel esprit, b el esprit ! cela te plaît à dir e , mais ce jar g on ridicule
cache p eut-êtr e des intentions fort malhonnêtes. Je v oudrais bien sav oir
quel est le malotr u qui s’ est p er mis de t’adr esser ces indé cences. Je lui
ferais p asser le g oût de t’ en é crir e de nouv elles.
― Laisse-donc ! Laisse-donc ! disait érésia. Je suis de for ce à me
défendr e d’un g alantin.
5Les Nuits chaudes du Cap français Chapitr e
― T u les encourag es p ar tes co queeries, s’é criait T allien furie