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ST EN DHAL
LE CH EV ALI ER DE
SAI N T -ISMI ER
BI BEBO O KST EN DHAL
LE CH EV ALI ER DE
SAI N T -ISMI ER
1927
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1147-8
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.’ 1640 ; Richelieu régnait sur la France , plus ter rible que
jamais. Sa v olonté de fer et ses caprices de grand homme es-C sayaient de courb er ces esprits turbulents qui faisaient la guer r e
et l’amour av e c p assion. La g alanterie n’était p oint né e . Les guer r es de
r eligion et les factions soudo yé es p ar l’ or des trésor s du sombr e P hilipp e
I I avaient dép osé dans les cœur s un feu qui ne s’était p oint encor e éteint
à l’asp e ct des têtes que Richelieu faisait tomb er . Alor s, on tr ouvait chez le
p ay san, chez le noble , chez le b our g e ois, une éner gie que l’ on ne connut
plus en France après les soix ante-douze ans du règne de Louis X I V . En
1640 le caractèr e français osait encor e désir er des choses éner giques, mais
les plus brav es avaient p eur du Cardinal ; ils savaient bien que si après
l’av oir offensé on avait l’impr udence de r ester en France , on ne p ouvait
lui é chapp er .
C’ est à quoi réflé chissait pr ofondément le che valier de Saint-Ismier ,
jeune officier app artenant à l’une des plus nobles et des plus riches
familles du D auphiné . Par une des plus b elles soiré es du mois de juin, il
suivait tout p ensif la riv e dr oite de la D ordogne vis-à-vis du b our g de
Moulon ; il était à che val, suivi d’un seul domestique . Il se tr ouvait alor s
tout près du joli villag e de Moulon. Il ne savait s’il de vait hasarder d’
en1Le che valier de Saint-Ismier Chapitr e
tr er dans Borde aux, on lui avait dit que le capitaine Ro chegude y avait
la princip ale autorité . Or ce capitaine était une âme damné e du Cardinal,
et Saint-Ismier était connu de la ter rible Eminence . oiqu’à p eine âg é
de vingt-cinq ans, ce jeune g entilhomme s’était e xtrêmement distingué
dans les guer r es d’ Allemagne . Mais en der nier lieu, se tr ouvant à Rouen
dans l’hôtel d’une grand’tante qui lui destinait un héritag e considérable ,
il s’était pris de quer elle dans un bal av e c le Comte de Claix, p ar ent d’un
président au p arlement de Nor mandie tout dé v oué au Cardinal, et qui
intriguait dans ce cor ps p our le compte de Son Eminence . T out le monde
à Rouen connaissait cee vérité , c’ est p our quoi ce président y était plus
puissant que le g ouv er neur ; c’ est p our quoi aussi Saint-Ismier , ayant tué
le comte sous un ré v erbèr e à onze heur es du soir , s’était hâté de sortir de
la ville sans même se donner le temps de r entr er chez sa tante .
Ar rivé au haut de la montagne de Sainte-Catherine , il s’était caché
dans le b ois qui alor s le cour onnait. Il avait env o yé av ertir son domestique
p ar un p ay san qui p assait sur la grande r oute . Ce domestique n’avait eu
que le temps de lui amener ses che vaux et d’av ertir sa tante qu’il allait se
cacher chez un g entilhomme de ses amis qui habitait une ter r e dans les
envir ons d’Orlé ans. Il y était à p eine depuis deux jour s lor squ’un capucin,
pr otég é p ar le fameux pèr e Joseph et ami de ce g entilhomme , lui env o ya
un domestique qui vint de Paris en toute hâte et cr e vant les che vaux de
p oste . Ce domestique était p orteur d’une ler e qui ne contenait que ces
mots :
« Je ne saurais cr oir e ce qu’ on dit de v ous. V os ennemis prétendent
que v ous donnez asile à un r eb elle contr e son Eminence . »
Le p auv r e Saint-Ismier dut s’ enfuir de la ter r e près d’Orlé ans, comme
il s’était enfui de Rouen, c’ est-à-dir e que le g entilhomme son ami étant
v enu le joindr e à la chasse , où il était de l’autr e côté de la Loir e , p our
lui communiquer la ter rible ler e qu’il r e ce vait, le che valier , après
l’av oir embrassé tendr ement, s’appr o cha du fleuv e dans l’ esp oir de tr ouv er
quelque p etit bate au ; il eut le b onheur de v oir près du b ord un pê cheur
qui, monté dans la plus e xiguë des nacelles, r etirait son filet. Il app ela cet
homme :
« Je suis p our suivi p ar mes cré ancier s ; il y aura un demi-louis p our
toi, si tu rames toute la nuit. Il faudra me dép oser près de ma maison à une
2Le che valier de Saint-Ismier Chapitr e
demi-lieue avant Blois. » Saint-Ismier suivit la Loir e jusqu’à øøø, faisant
le tour des villes à pie d p endant la nuit, et le jour se faisant conduir e p ar
quelque p etit bate au de pê cheur . Il ne fut r ejoint p ar son domestique et
ses che vaux qu’à øøø, p etit villag e v oisin de øøø. D e là , suivant la mer à
che val, et à une lieue de distance , et laissant entendr e , lor squ’ on le pr
essait de questions, qu’il était un g entilhomme pr otestant, p ar ent des d’ A
ubigné et comme tel un p eu p er sé cuté , il eut le b onheur de g agner sans
encombr e les riv es de la D ordogne . D es intérêts assez puissants l’app
elaient à Borde aux, mais comme nous l’av ons dit, il craignait fort que le
capitaine Ro chegude n’ eut déjà r e çu l’ ordr e de l’ar rêter .
« Le cardinal tir e b e aucoup d’ar g ent de la pr o vince de Nor mandie ,
l’une de celles qui ont été le moins épuisé es p ar nos tr oubles. Le président
Lep oite vin est le princip al instr ument qui fav orise toutes ses le vé es de
denier s ; il se mo quera bien de la vie d’un p auv r e g entilhomme tel que moi,
au prix de la raison d’Etat qui lui crie : « D e l’ar g ent avant tout ! » C’ est
pré cisément p ar ce que le Cardinal me connaît que je suis plus
malheur eux : je n’ai p as de chance d’êtr e oublié . »
Cep endant, les raisons qui faisaient désir er à Saint-Ismier d’ entr er à
Borde aux, étaient tellement puissantes qu’ayant continué à suiv r e la riv e
dr oite de la D ordogne après sa réunion av e c la Gar onne , il ar riva à la nuit
noir e à øøø. Un batelier le transp orta, lui, ses che vaux et son domestique
sur la riv e g auche . Là , il eut le b onheur de r encontr er des mar chands de
vins qui avaient acheté pré cisément du capitaine Ro chegude un p er mis
d’ entr er à Borde aux de nuit av e c leur s vins que la grande chaleur du soleil,
p endant la jour né e , p ouvait gâter . Le che valier mit son ép é e sur l’une de
leur s char r ees et entra dans Borde aux, comme minuit sonnait, un fouet
à la main, et s’ entr etenant av e c un des mar chands. Un instant après, ayant
glissé un é cu dans la p o che de cet homme et r epris lestement son ép é e , il
disp ar ut, sans dir e mot, à un tour nant de la r ue .
Le che valier p ar vint jusqu’au p or che de Saint-Michel ; là il s’assit.
« Me v oici dans Borde aux. e rép ondrai-je », se dit-il, « si le guet
vient à m’inter r og er ? Pour p eu que ces g ens-là soient moins pris de vin
qu’à l’ ordinair e , il n’y a p as d’app ar ence de leur dir e que je suis un
marchand de vin ; cee rép onse p ouvait p asser tout a u plus dans le v oisinag e
des char r ees char g é es de bar riques. J’aurais dû, avant de quier mes
3Le che valier de Saint-Ismier Chapitr e
che vaux, pr endr e un des habits de mon domestique ; mais ainsi vêtu je