La faute de l’abbé Mouret

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La Faute de l’abbé Mouret est le cinquième volume de la série les Rougon-Macquart. Faisant suite à la Conquête de Plassans, c’est le second ouvrage de la série qui traîte du catholicisme
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Nombre de lectures

58

EAN13

9782824702421

Langue

Français

ÉMI LE ZOLA
LA F A U T E DE L’ABBÉ
MOU RET
BI BEBO O KÉMI LE ZOLA
LA F A U T E DE L’ABBÉ
MOU RET
1875
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0242-1
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.Pr emièr e p artie
1CHAP I T RE I
 T,  entrant, p osa son balai et son plume au contr e l’autel.
Elle s’était aardé e à mer e en train la lessiv e du semestr e . ElleL trav er sa l’église , p our sonner l’ Angelus , b oitant davantag e dans
sa hâte , b ousculant les bancs. La corde , près du confessionnal, tombait du
plafond, nue , râp é e , ter miné e p ar un gr os nœud, que les mains avaient
graissé  ; et elle s’y p endit de toute sa masse , à coups régulier s, puis s’y
abandonna, r oulant dans ses jup es, le b onnet de trav er s, le sang cr e vant
sa face lar g e .
Après av oir ramené son b onnet d’une légèr e tap e , essoufflé e , la T euse
r e vint donner un coup de balai de vant l’autel. La p oussièr e s’ obstinait là ,
chaque jour , entr e les planches mal jointes de l’ estrade . Le balai fouillait
les coins av e c un gr ondement ir rité . Elle enle va ensuite le tapis de la table ,
et se fâcha, en constatant que la grande napp e sup érieur e , déjà r eprisé e en
vingt endr oits, avait un nouv e au tr ou d’usur e au b e au milieu  ; on ap
erce vait la se conde napp e , plié e en deux, si émincé e , si clair e elle-même ,
2La faute de l’abbé Mour et Chapitr e I
qu’ elle laissait v oir la pier r e consacré e , encadré e dans l’autel de b ois p eint.
Elle ép ousseta ces ling es r oussis p ar l’usag e , pr omena vig our eusement le
plume au le long du gradin, contr e le quel elle r ele va les cartons litur giques
( lithur giques). Puis, montant sur une chaise , elle débar rassa la cr oix et
deux des chandelier s de leur s housses de cotonnade jaune . Le cuiv r e était
piqué de taches ter nes.
― Ah bien  ! mur mura la T euse à demi-v oix, ils ont joliment b esoin
d’un neo yag e  ! Je les p asserai au trip oli.
Alor s, courant sur une jamb e , av e c des déhanchements et des
secousses à enfoncer les dalles, elle alla à la sacristie cher cher le Missel,
qu’ elle plaça sur le pupitr e , du côté de l’Épîtr e , sans l’ ouv rir , la tranche
tour né e v er s le milieu de l’autel. Et elle alluma les deux cier g es. En emp
ortant son balai, elle jeta un coup d’ œil autour d’ elle , p our s’assur er que le
ménag e du b on Dieu était bien fait. L’église dor mait  ; la corde seule , près
du confessionnal, se balançait encor e , de la v oûte au p avé , d’un mouv
ement long et fle xible .
L’abbé Mour et v enait de descendr e à la sacristie , une p etite piè ce
fr oide , qui n’était sép aré e de la salle à mang er que p ar un cor ridor .
― Bonjour , monsieur le curé , dit la T euse en se débar rassant. Ah  !
v ous av ez fait le p ar esseux, ce matin  ! Sav ez-v ous qu’il est six heur es un
quart.
Et sans donner au jeune prêtr e qui souriait le temps de rép ondr e  :
― J’ai à v ous gr onder , continua-t-elle . La napp e est encor e tr oué e . Ça
n’a p as de b on sens  ! Nous n’ en av ons qu’une de r e chang e , et je me tue
les y eux depuis tr ois jour s à la raccommo der . . . V ous laisser ez le p auv r e
Jésus tout nu, si v ous y allez de ce train.
L’abbé Mour et souriait toujour s. Il dit g aiement  :
― Jésus n’a p as b esoin de tant de ling e , ma b onne T euse . Il a toujour s
chaud, il est toujour s r o yalement r e çu, quand on l’aime bien.
Puis, se dirig e ant v er s une p etite fontaine , il demanda  :
― Est-ce que ma sœur est le vé e  ? Je ne l’ai p as v ue .
― Il y a b e au temps que mademoiselle D ésiré e est descendue , rép ondit
la ser vante , ag enouillé e de vant un ancien buffet de cuisine , dans le quel
étaient ser rés les vêtements sacrés. Elle est déjà à ses p oules et à ses
lapins. . . Elle aendait hier des p oussins qui ne sont p as v enus. V ous p ensez
3La faute de l’abbé Mour et Chapitr e I
quelle émotion  !
Elle s’inter r ompit, disant  :
― La chasuble d’ or , n’ est-ce p as  ?
Le prêtr e , qui s’était lavé les mains, r e cueilli, les lè v r es balbutiant une
prièr e , fit un signe de tête affir matif. La p ar oisse n’avait que tr ois
chasubles, une violee , une noir e et une d’étoffe d’ or . Cee der nièr e , ser vant
les jour s où le blanc, le r oug e ou le v ert étaient pr escrits, pr enait une
imp ortance e xtraordinair e . La T euse la soule va r eligieusement de la planche
g ar nie de p apier bleu, où elle la couchait après chaque cérémonie  ; elle la
p osa sur le buffet, enle vant av e c pré caution les ling es fins qui en g
arantissaient les br o deries. Un agne au d’ or y dor mait sur une cr oix d’ or , entouré
de lar g es ray ons d’ or . Le tissu, limé aux plis, laissait é chapp er de minces
houpp ees  ; les or nements en r elief se r ong e aient et s’ effaçaient. C’était,
dans la maison, une continuelle inquiétude autour d’ elle , une tendr esse
ter rifié e , à la v oir s’ en aller ainsi p aillee à p aillee . Le curé de vait la
mer e pr esque tous les jour s. Et comment la r emplacer , comment
acheter les tr ois chasubles dont elle tenait lieu, lor sque les der nier s fils d’ or
seraient usés  !
La T euse , p ar-dessus la chasuble , étala l’étole , le manipule , le cordon,
l’aub e et l’amict. Mais elle continuait à bavarder , tout en s’appliquant à
mer e le manipule en cr oix sur l’étole , et à disp oser le cordon en
guirlande , de façon à tracer l’initiale ré véré e du saint nom de Marie .
― Il ne vaut plus grand’ chose , ce cordon, mur murait-elle . Il faudra
v ous dé cider à en acheter un autr e , monsieur le curé . . . Ce n’ est p as l’
embar ras, je v ous en tisserais bien un moi-même , si j’avais du chanv r e .
L’abbé Mour et ne rép ondait p as. Il prép arait le calice sur une p etite
table , un grand vieux calice d’ar g ent doré , à pie d de br onze , qu’il v enait
de pr endr e au fond d’une ar moir e de b ois blanc, où étaient enfer més les
vases et les ling es sacrés, les Saintes Huiles, les Missels, les chandelier s,
les cr oix. Il p osa en trav er s de la coup e un purificatoir e pr opr e , mit p
ardessus ce ling e la p atène d’ar g ent doré , contenant une hostie , qu’il r
ecouv rit d’une p etite p ale de lin. Comme il cachait le calice , en pinçant les
deux plis du v oile d’étoffe d’ or , app ar eillé à la chasuble , la T euse s’é cria  :
― Aendez, il n’y a p as de cor p oral dans la b our se . . . J’ai pris hier soir
tous les purificatoir es, les p ales et les cor p oraux sales p our les blanchir , à
4La faute de l’abbé Mour et Chapitr e I
p art bien sûr , p as dans la lessiv e . . . Je ne v ous ai p as dit, monsieur le curé  :
je viens de la mer e en train, la lessiv e . Elle est joliment grasse  ! Elle sera
meilleur e que la der nièr e fois.
Et p endant que le prêtr e glissait un cor p oral dans la b our se , et qu’il
p osait sur le v oile la b our se , or né e d’une cr oix d’ or sur un fond d’ or , elle
r eprit viv ement  :
― A pr op os, j’ oubliais  !

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