Joseph Delaney vit en Angleterre, dans le Lancashire. Il a trois enfants et sept petitsenfants. Sa maison est située sur le territoire des gobelins. Dans son village, l’un d’eux, surnommé le frappeur, est enterré sous l’escalier d’une maison, près de l’église.
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. Traduit de l’anglais (Grande Bretagne) . par Marie Hélène Delval
À Marie
Le point le plus élevé du Comté est marqué par un mystère. On dit qu’un homme a trouvé la mort à cet endroit, au cours d’une violente tempête, alors qu’il tentait d’entraver une créature maléfique menaçant la Terre entière. Vint alors un nouvel âge de glace. Quand il s’acheva, tout avait changé, même la forme des collines et le nom des villes dans les vallées. À présent, sur ce plus haut sommet des collines, il ne reste aucune trace de ce qui y fut accompli, il y a si longtemps. Mais on en garde la mémoire. On l’appellela pierre des Ward.
. Traduit de l’anglais (Grande Bretagne) . par Marie Hélène Delval
1 Mort d’un apprenti
e n’avais guère que six ou sept ans quand je fis un J terrible cauchemar. Il commençait comme un rêve agréable. J’étais assis devant l’âtre, dans la salle à manger de notre petite maison de Horshaw. Les yeux fixés sur le feu de charbon, je regardais les étincelles disparaître en dansant par le conduit de la cheminée. Ma mère était là, occupée à tricoter. Bercé par le cliquètement régulier de ses aiguilles, je me sen tais heureux, en sécurité. Couvrant ce bruit léger, j’entendais alors des pas sourds. Je croyais que mon père et mes frères revenaient du travail. Puis, avec
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un malaise croissant, je comprenais qu’on marchait dans la cave. Qui pouvait bien être descendu au soussol ? Le martèlement de bottes devenait plus fort : on montait les marches de pierre menant à la cuisine. La température baissait soudain. Ça ne ressemblait pas au froid que l’on ressent en hiver ; c’était autre chose. J’essayais d’appeler ma mère, aucun son ne sortait de ma gorge. Elle continuait de manier tranquille ment ses aiguilles tandis que la terreur m’envahissait lentement. Le feu vacillait et mourait dans l’âtre ; à mesure que les pas approchaient, le froid et l’obs curité envahissaient la pièce, et mon épouvante grandissait. Une ombre noire – une silhouette d’homme – entrait. L’inconnu traversait la salle, marchant droit sur moi. Avant que j’aie le temps de bouger ou de crier, il me soulevait et me fourrait sous son bras. Puis il regagnait la cuisine et s’engageait dans l’escalier de la cave, chaque claquement de botte m’emportant plus profond. Jesavaisque je rêvais, que je devais me réveiller avant d’être plongé dans l’obscurité totale, en bas des marches. À force de me débattre, j’y parvins juste à temps. Je m’éveillai, haletant d’effroi, le front moite, saisi de tremblements à la pensée de ce qui avait failli m’arriver.
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Mais ce ne fut pas la fin du cauchemar. Il me hanta régulièrement pendant plusieurs années. Pressé par le besoin d’en parler à quelqu’un, je me confiai à mon frère Paul. Je craignais qu’il se moque de moi. À ma grande surprise, il écarquilla les yeux et, d’une voix chevrotante, me révéla qu’il faisaitexac tementle même cauchemar ! J’eus d’abord de la peine à le croire. Or, c’était vrai. Nous étions tous deux en proie à un rêve iden tique. Dans un sens, c’était réconfortant. Cependant, cette coïncidence était des plus étranges. Nous passâmes un accord tous les deux : celui qui rêverait et réussirait à échapper au cauchemar irait réveiller l’autre, qui serait peutêtre englué dans ce même cauchemar, attendant d’être emporté dans les profondeurs de la cave. Combien de fois, la nuit, alors que je dormais pai siblement, aije senti mon frère me secouer par les épaules ! Je me dressais sur mon lit, furieux, prêt à le bourrer de coups de poing. Mais il me chuchotait à l’oreille, les yeux agrandis par la peur, les lèvres tremblantes : « J’ai refait le rêve. » J’étais alors heureux de ne pas l’avoir frappé ; sinon, la fois suivante, il ne m’aurait peutêtre pas réveillé alors que j’en aurais eu grand besoin !
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Nous avions beau nous dire que ce n’était qu’un rêve, une chose nous terrifiait tous les deux : nous étions sûrs et certains que, si nous entrions dans les ténèbres, au bas de l’escalier, nous mourrions dans notre sommeil et serions emprisonnés dans ce cau chemar pour toujours. Une nuit, alors que je ne dormais pas, j’entendis des bruits inquiétants monter du soussol. Je crus d’abord que le cauchemar recommençait. Puis, lentement, avec un frisson d’effroi, je compris que c’était bien réel. Quelqu’un creusait à coups de pelle dans le sol meuble de la cave. Je ressentis de nouveau cet étrange froid surnaturel, j’entendis le martèlement des bottes sur les marches de pierre. Je me bouchai les oreilles, en vain. Finalement, à bout de terreur et de larmes, je me mis à hurler. Cela se reproduisit plusieurs fois, et ma famille commença à perdre patience. Une nuit, furieux d’avoir été réveillé une fois de plus par mes cris, mon père me traîna au fond de la cave, me jeta dans un coin obscur et verrouilla la porte. – S’il te plaît, papa ! S’il te plaît ! Je ne veux pas rester là, tout seul dans le noir ! suppliaije. – Tu y resteras jusqu’à ce que tu aies appris à nous laisser dormir, répliquatil. Nous devons tous partir travailler de bonne heure. Pense à tes frères