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V ICT OR H UGO
L’ARCH I P EL DE LA
MANCH E
BI BEBO O KV ICT OR H UGO
L’ARCH I P EL DE LA
MANCH E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1071-6
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
LES ANCI ENS CA T A CLYSMES
’ A côtes. La pr ession du courant du pôle
défor me notr e falaise ouest. La muraille que nous av ons surL la mer est miné e de Saint- V aler y-sur-Somme à Ing ouville , de
vastes blo cs s’é cr oulent, l’ e au r oule des nuag es de g alets, nos p orts s’
ensablent ou s’ empier r ent, l’ emb ouchur e de nos fleuv es se bar r e . Chaque
jour un p an de la ter r e nor mande se détache et disp araît sous le flot.
Ce pr o digieux travail, aujourd’hui ralenti, a été ter rible . Il a fallu p our
le contenir cet ép er on immense , le Finistèr e . ’ on jug e de la for ce du
flux p olair e et de la violence de cet affouillement p ar le cr eux qu’il a fait
entr e Cherb our g et Br est.
Cee for mation du g olfe de la Manche aux dép ens du sol français
est antérieur e aux temps historiques. La der nièr e v oie de fait dé cisiv e
de l’ o cé an sur notr e côte a p ourtant date certaine . En 709, soix ante ans
avant l’avénement de Charlemagne , un coup de mer a détaché Jer se y de
la France . D’autr es sommets des ter r es antérieur ement submer g é es sont,
1L’ar chip el de la Manche Chapitr e I
comme Jer se y , visibles. Ces p ointes qui sortent de l’ e au, sont des îles. C’ est
ce qu’ on nomme l’ar chip el nor mand.
Il y a là une lab orieuse four milièr e humaine .
A l’industrie de la mer qui avait fait une r uine , a succé dé l’industrie
de l’homme qui a fait un p euple .
n
2CHAP I T RE I I
GU ERN ESEY
Granit au sud, sable au nord ; ici des escar p ements, là des dunes ; un
plan incliné de prairies av e c des ondulations de collines et des r eliefs de
r o c hes ; p our frang e à ce tapis v ert fr oncé de plis, l’é cume de l’ o cé an ;
le long de la côte , des baeries rasantes, des tour s à meurtrièr es, de
distance en distance ; sur toute la plag e basse , un p arap et massif, coup é de
créne aux et d’ escalier s, que le sable envahit, et qu’aaque le flot, unique
assiég e ant à craindr e ; des moulins démâtés p ar les tempêtes ;
quelquesuns, au V alle , à la Ville-au-Roi, à Saint-Pier r e-Port, à T orte val, tour nant
encor e ; dans la falaise , des ancrag es ; dans les dunes, des tr oup e aux ; le
chien du b er g er et le chien du toucheur de b œufs en quête et en travail ;
les p etites char r ees des mar chands de la ville g alop ant dans les chemins
cr eux ; souv ent des maisons noir es, g oudr onné es à l’ ouest à cause des
pluies ; co qs, p oules, fumier s ; p artout des mur s cy clop é ens ; ceux de
l’ancien hav r e , malheur eusement détr uits, étaient admirables av e c leur s blo cs
infor mes, leur s p ote aux puissants et leur s lourdes chaînes ; des fer mes à
3L’ar chip el de la Manche Chapitr e I I
encadr ements de futaies ; les champs murés à hauteur d’appui av e c des
cordons de pier r e sè che dessinant sur les plaines un bizar r e é chiquier ;
çà et là , un r emp art autour d’un chardon, des chaumièr es en granit, des
hues casemates, des cabanes à défier le b oulet ; p arfois, dans le lieu
le plus sauvag e , un p etit bâtiment neuf, sur monté d’une clo che , qui est
une é cole ; deux ou tr ois r uisse aux dans des fonds de prés ; or mes et
chênes ; un ly s fait e xprès, qui n’ est que là , Guernsey lily ; dans la
saison des « grands lab our s », des char r ues à huit che vaux ; de vant les
maisons, de lar g es meules de foin p orté es sur un cer cle de b or nes de pier r e ;
des tas d’ajoncs épineux ; p arfois des jardins de l’ancien style français,
à ifs taillés, à buis façonnés, à vases r o cailles, mêlés aux v erg er s et aux
p otag er s ; des fleur s d’amateur s dans des enclos de p ay sans ; des rho
dodendr ons p ar mi les p ommes de ter r e ; p artout sur l’herb e des étalag es
de var e ch, couleur or eille-d’ our s ; dans les cimetièr es, p as de cr oix, des
lar mes de pier r e imitant au clair de lune des D ames blanches deb out ;
dix clo cher s g othiques sur l’horizon ; vieilles églises, dogmes neufs ; le
rite pr otestant log é dans l’ar chite ctur e catholique ; dans les sables et sur
les caps, la sombr e énigme celtique ép ar se sous ses for mes div er ses,
menhir s, p eulv ens, longues pier r es, pier r es des fé es, pier r es branlantes, pier r es
sonnantes, g aleries, cr omle chs, dolmens, p ouquelaies ; toutes sortes de
traces ; après les dr uides, les abbés ; après les abbés, les r e cteur s ; des
souv enir s de chutes du ciel ; à une p ointe Lucifer , au châte au de
MichelAr chang e ; à l’autr e p ointe Icar e , au cap Dicart ; pr esque autant de fleur s
l’hiv er que l’été ; — v oilà Guer nese y .
n
4CHAP I T RE I I I
GU ERN ESEY . SU I T E
, , forte . Nul pâturag e meilleur . Le fr oment
est célèbr e , les vaches sont illustr es. Les g énisses des herbag esT de Saint-Pier r e-du-Bois sont les ég ales des moutons lauré ats du
plate au de Confolens. Les comices agricoles de France et d’ Angleter r e
cour onnent les chefs-d’ œuv r e que font les sillons et les prairies de
Guernese y . L’agricultur e est ser vie p ar une v oirie fort bien entendue , et un e
xcellent rése au de cir culation vivifie toute l’île . Les r outes sont très b onnes.
A l’ embranchement de deux r outes on v oit à ter r e une pier r e plate av e c
une cr oix. Le plus ancien bailli de Guer nese y , celui de 1284, le pr emier
de la liste , Gaultier de la Salte , a été p endu p our fait d’iniquité judiciair e .
Cee cr oix, dite la Cr oix au baillif, mar que le lieu de son der nier ag
enouillement et de sa der nièr e prièr e .
La mer dans les anses et les baies est ég ayé e p ar les cor ps-morts,
gr osses toues bariolé es en p ain de sucr e , quadrillé es de r oug e et de blanc,
mi-p arties de noir et de jaune , chiné es de v ert, de bleu et d’ orang e ,
losan5L’ar chip el de la Manche Chapitr e I I I
g é es, jasp é es, marbré es, floant à fleur d’ e au ; on entend p ar endr oits le
chant monotone des é quip es halant quelque navir e , et tirant le to w r op e .
Non moins que « les p oissonnier s », les lab our eur s ont l’air content ;
les jardinier s de même . Le sol, saturé de p oussièr e de r o che , est puissant ;
l’ engrais, qui est de tangue et de g o émon, ajoute le sel au granit ; d’ où
une vitalité e xtraordinair e ; la sé v e fait mer v eilles ; magnolias, my rtes,
daphnés, laurier s-r oses, hortensias bleus ; les fuchsias sont e x cessifs ; il y
a des ar cades de v erbènes triphylles ; il y a des murailles de g éraniums ;
l’ orang e et le citr on viennent en pleine ter r e ; de raisin p oint, il ne mûrit
qu’ en ser r e ; là , il est e x cellent ; les camélias sont arbr es ; on v oit dans les
jardins la fleur de l’aloès plus haute qu’une maison. Rien de plus opulent
et de plus pr o digue que cee vég étation masquant et or nant les façades
co quees des villas et des coag es.
Guer nese y , gracieuse d’un côté , est de l’autr e ter rible . L’ ouest,
dévasté , est sous le souffle du lar g e . Là , les brisants, les rafales, les criques
d’é chouag e , les bar ques rapié cé es, les jachèr es, les landes, les masur es,
p arfois un hame au bas et frissonnant, les tr oup e aux maigr es, l’herb e
courte et salé e , et le grand asp e ct de la p auv r eté sé vèr e .
Li-Hou est une p etite île tout à côté , déserte , accessible à mer basse .
Elle est pleine de br oussailles et de ter rier s. Les lapins de Li-Hou sav ent les
heur es. Ils ne sortent de leur tr ou qu’à maré e haute . Ils nar guent l’homme .
Leur ami l’ o cé an les isole . Ces grandes frater nités, c’ est toute la natur e .
Si l’ on cr euse les alluvions de la baie V ason, on y tr ouv e des arbr es. Il
y a là , sous une my st