Alphonse AllaisDeux et deux font cinqUn de mes bons amis de Rouen, garçon d’infiniment de cœur et de beaucoup detalent, M. Raoul Oger, pour ne citer que ses initiales, a conçu depuis longtemps, àl’égard des ponts et chaussées, une haine que la cognée du pardon ne saurajamais abattre.Rien ne m’ôtera de l’idée qu’il n’y ait sous cette implacabilité quelque inavouéehistoire de femme. Mais n’insistons pas : nous pourrions désobliger du même coupmon ami Oger et un ingénieur peut-être honorable.Bornons-nous à enregistrer, du haut de notre tribune, l’histoire que me confie lejeune littérateur rouennais.J’aurais volontiers reproduit littéralement sa lettre (ce qui eût merveilleusementconvenu à mon genre d’activité) ; mais, par malheur, Oger a cru devoir mêler à sonrécit le nom d’une des plus honorables familles d’Elbeuf. Et je n’étonnerai personneen proclamant mon culte pour les familles d’Elbeuf, même les plus dévoyées.Or, donc, Raoul Oger se promenait récemment sur la route nationale nº 25 (ilprécise), du Havre à Lille, quand il rencontra, un peu après Montivilliers, unbonhomme assis sur le bord de la route, devant un tas de cailloux.Ce bonhomme était coiffé d’un chapeau cerclé d’une bande d’étoffe noire surlaquelle, en lettres d’or, se détachait ce mot : C a n t o n n i e r.Et cette inscription n’était point mensongère : le bonhomme en question constituait,en effet, cet humble rouage de l’administration des ponts et chaussées qu’onappelle c a n t o n n i ...
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