Han RynerUn songe de La BruyèreExtrait des Songes perdus1929M. de la Bruyère, parfaitement inconnu encore, fut conduit par un ami chez M.Despréaux. Il y éprouva une lourde déception. Ce Boileau, qu'il avait appris àadmirer, ne disait que paroles étroites et superficielles. Il connaissait, certes, unevérité précieuse, qu'il exposait d'ailleurs platement et dont La Bruyère venait ensouriant de trouver l'expression, à savoir que c'est un métier de faire une montrecomme de faire un livre. Mais rien ne l'intéressait en dehors de cela. Et cela même,il le savait mal, ignorant que la beauté porte des visages multiples. Il parlait,interminable et massif, de la nécessité et de la merveilleuse difficulté destransitions.Trop discret pour faire tout haut une objection à un homme célèbre, le timideinconnu songeait à son cher Théophraste qui, sans se préoccuper de la vaineconvention louée si fort par M. Despréaux, a composé un beau livre. Composé, oui,vraiment, puisque chaque détail est si bien en place que l'auteur n'a pas besoin denous le faire remarquer.L'illustre M. Racine était là. Malheureusement, il gardait le silence. Mais, chaquefois que Boileau disait comme une grande découverte quelque banalité, chaquefois aussi qu'il affirmait une de ces vérités branlantes dont le contraire peut êtresoutenu avec autant de raison : La Bruyère croyait voir une malice dans le regarddu grand poète.Les assistants étaient nombreux. Quand M. Despréaux eut épuisé sa provision ...
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