Léon TolstoïDernières ParolesMercure de France, 1905 (pp. 279-286).TROIS QUESTIONSCONTEUn roi pensa, une fois, que s’il savait toujours le moment où il faut commencerchaque œuvre, s’il savait avec quelles gens il faut travailler, avec qui il ne le fautpas, et, principalement, s’il savait toujours quelle affaire est la plus importante, alorsil n’aurait jamais d’ennuis. Après avoir réfléchi, le roi fit savoir dans tout sonroyaume qu’il donnerait une grande récompense à celui qui lui apprendraitcomment savoir le temps opportun pour chaque affaire, quelles sont les gens lesplus nécessaires et comment ne pas se tromper dans le choix de l’œuvre la plusimportante de toutes.Et des savants commencèrent à venir pour répondre à ces différentes questions.À la première question les uns disaient que pour connaître le temps opportun pourchaque affaire il faut se tracer d’avance l’emploi du temps, du mois, de l’année et lesuivre strictement. C’est seulement alors, disaient-ils, que chaque chose se fait enson temps. Les autres disaient qu’on ne peut décider d’avance quelle chose il fautfaire en tel temps, mais qu’il ne faut pas s’oublier dans des amusements stériles etêtre toujours attentif à ce qui arrive, et alors faire ce qu’exige le moment. Lestroisièmes disaient que le roi aurait beau être attentif à ce qui arrive, un seulhomme ne peut jamais décider sûrement en quel moment il faut faire telle ou tellechose, qu’il faut avoir le conseil d’hommes sages et, ...
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