Tobias Guarneriusd a n s Contes brunsCharles Rabou1832Par une soirée bien brumeuse d'hiver, mon arrière-grand-père, retenu pourquelques affaires à Brème en Saxe, se promenait dans une petite rue écartée,derrière la cathédrale. Ce qu'il faisait là, vous le comprendrez de reste quand jevous aurai appris qu'il avait alors vingt ans, et qu'il est peu de villes en Allemagneoù les grisettes soient plus gracieuses et plus agaçantes. Ceci soit dit sans altéreren rien la bonne opinion que par avance vous auriez pu prendre de son mérite.Mais depuis plus de vingt minutes l'heure du rendez-vous était sonnée à toutes leshorloges, sans que celle qui l'avait donné eût songé à s'y rendre, et mon arrière-grand-père attendait toujours.Le gouvernement représentatif nous a trop bien guéris, hélas! de ces merveilleusespatiences d'amour: bien admirable pour moi serait l'homme qui s'en rencontreraitencore capable aujourd'hui.Pendant les longs tours et retours de sa faction, mon arrière-grand-père avaitremarqué une petite boutique placée à l'angle de la rue qu'il arpentait. Aux deuxcôtés de la devanture, deux planchettes peintes en rouge et taillées en forme deviolons indiquaient le commerce qui s'y faisait, ou, pour parler plus juste, lecommerce qui ne s'y faisait point; car, à moins que l'on ne compte pour quelquechose un mauvais basson pendu au mur, une contre-basse sans cordes, quelquesarchets et une quinte que le propriétaire du lieu était occupé à raccommoder, ...
Voir