Alphonse Allais
Deux et deux font cinq
J’ai raconté, dans le temps, — le souvenir n’en est-il pas encore tout frissonnant au
cœur de tous ? — l’histoire de mon ami, ce peintre qui ne voulait pas boire du vin
rouge en mangeant des œufs brouillés, parce que ça lui faisait un sale ton dans
l’estomac.
Le même, mettant à la poste une grosse lettre suffisamment et polychromiquement
affranchie, ajoutait un superflu timbre de quinze centimes pour faire un rappel de
bleu.
Le brave garçon !
Je l’ai revu l’autre jour, j’ai dîné avec lui en compagnie d’une jolie petite bonne amie
qu’il détient depuis quelques jours, une drôle de mignonne et menue femmelette qui
l’adore.
J’ai pu constater qu’il est toujours dévoré par la folie du ton.
Et j’ai appris une histoire qui m’a amusé, telle une baleine.
Sa petite bonne amie, à la suite d’un chaud et froid, contracta naguère un fort
rhume.
(Pourquoi le chaud et froid est-il si pernicieux, alors que le froid et chaud ne cause
même pas à l’organisme des dégâts insignifiants ? Loufoquerie de la nature !)
r— Ça ne sera rien que ça, dit le D Pelet (leur médecin). Badigeonnez-vous avec
de la teinture d’iode. Tenez-vous bien au chaud. Prenez quelques pastilles X…
(case à louer), et puis voilà !
Ce soir-là, mon ami et sa jeune compagne rentrèrent de bonne heure (minuit et
demi), non sans avoir fait l’emplette d’une bouteille de teinture d’iode.
— Avec un pinceau ? demanda le pharmacien.
À la seule pensée d’acheter un pinceau chez un pharmacien, le ...
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