Léon TolstoïDernières ParolesMercure de France, 1905 (pp. 257-268).[1]QUARANTE ANS(LÉGENDE PETITE-RUSSIENNE)eDans le village de Manduki, vivait, il la fin du XVIII siècle, un très riche paysan,Denis Shpak. Cet homme avait une fille, très belle, blonde, Vassa. Chez Shpaktravaillait un jeune paysan, Trokim Iachnik ; il n’avait connu ni son père ni sa mère, etsa seule parente était la veuve d’un soldat, une vieille femme vivant d’aumônes. Àtreize ans, Iachnik gardait les pourceaux ; mais avec l’âge, il devint un très beaugarçon, très adroit et Shpak, qui le remarqua, le prit à son service. Vassa s’éprit deTrokim, mais son père ne voulut point entendre parler d’un tel mariage : Iachnik, unpauvre diable sans le sou, n’était point un parti pour sa fille. Toutefois, devant leslarmes de Vassa, il déclara qu’il allait renvoyer Iachnik de chez lui, et qu’ilconsentirait au mariage si le garçon revenait vêtu d’un bel habit neuf et dans sonpropre équipage. Il congédia donc Trokim.Trokim, se sentant dans l’impossibilité de remplir la condition imposée, résolut dese noyer. Mais, au moment où il allait se jeter à l’eau, devant lui surgit un étrangepetit homme, ceint d’une courroie. C’était le jardinier en chef du seigneur du village,Pridebalka. Il emmena Trokim au cabaret et là, celui-ci narra se peines.« Mais, dit Pridebalka à Trokim, ce n’est rien, et c’est chose très facile à arranger.En ce moment se trouve dans le village un très riche marchand avec beaucoup ...
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