[1]Les Wichtelmænner
Jacob et Wilhelm Grimm
Traduit par Félix Frank et E. Alsleben
PREMIER CONTE
Un cordonnier était devenu si pauvre, sans qu'il y eût de sa faute, qu'il ne lui restait a
la fin que tout juste assez de cuir pour faire une paire de souliers. Dans la soirée, il
tailla ce cuir afin de le coudre le lendemain, et, comme il avait la conscience en
repos, il se mit tranquillement au lit après s'être recommandé au bon Dieu, puis
s'endormit.
Le lendemain, lorsqu'il eut fait sa prière et qu'il voulut se mettre à l'ouvrage, les deux
souliers se trouvaient tout faits sur la table. Jugez de l'étonnement du bonhomme ; il
ne savait que dire ni que penser, et il prit les souliers à sa main pour les regarder
de plus près : ils étaient façonnés avec tant de soin qu'il n'y avait pas un faux point ;
c'était vraiment un ouvrage de maîtret !
Bientôt un acheteur entra dans la boutique ; et, comme ces souliers lui plurent, il les
paya plus que le prix ordinaire, et le cordonnier put s'acheter de cet argent du cuir
pour deux autres paires de souliers. Il les tailla le soir, se proposant de les coudre le
lendemain ; mais il n'en eut pas besoin, car en se levant, il les trouva déjà tout faits,
et les acheteurs ne tardèrent pas non plus à lui donner de quoi s'acheter du cuir
pour quatre paires de souliers. Le lendemain matin encore, il trouva ces quatre
paires toutes faites ; et ce fut ainsi toujours de mieux en mieux : ce qu'il taillait le
soir, il le trouvait cousu et achevé le ...
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