Alphonse AllaisDeux et deux font cinqJe venais de sortir de mon domicile et je flânais, le bas de mon pantalon relevé etl’esprit ailleurs.À la hauteur de la rue Fromentin, je fis la rencontre d’un homme qui, très poliment, àmon aspect, leva son chapeau.Cet homme, disons-le tout de suite pour ne pas éterniser un récit dénué d’intérêt,n’était autre qu’un nommé Benoît, le propre valet de chambre de M. FrancisqueSarcey, l’esthète bien connu.Avez-vous remarqué, astucieux lecteurs, et vous, lectrices qui la connaissez dansles coins, comme les méchantes idées vous arrivent avec la rapidité de l’éclairlancé d’une main sûre, alors que les bonnes semblent chevaucher des tortues, pourne point dire des écrevisses ?L’idée que me suggéra la rencontre de Benoît m’advint aussi vite que le coup defoudre professionnel le mieux entraîné.Le miel aux lèvres, je serrai la main du valet et m’informai de la santé de tout lemonde.— Et où allez-vous comme ça ? continuai-je.— Je vais au Petit Journal, porter l’article de Monsieur.— Tiens ! Comme ça se trouve ! Moi aussi, je vais au Petit Journal. Remettez-moila chronique de M. Sarcey. Cela vous évitera une course.L’homme obtempéra.Et cette chronique du cénobite de la rue de Douai, croyez-vous bonnement que jel’ai portée à la maison Marinoni ? Oh ! que non pas !J’ai voulu vous faire une bonne surprise, ô clientèle de mon journal, et, au risqued’être traîné devant la justice de mon pays, je livre à vos méditations la ...
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