Léon TolstoïDernières ParolesMercure de France, 1905 (pp. 269-278).LE ROI D’ASSYRIE ASSARKADONLe roi d’Assyrie Assarkadon avait conquis le royaume du roi Lahilié, détruit et brûlétoutes les villes, dispersé sur ses terres tous les habitants, tué les soldats, décapitéquelques chefs militaires, empalé certains autres, écorché vif les troisièmes, et ilavait enfermé dans une cage le roi Lahilié lui-même.La nuit, dans son lit, le roi Assarkadon songeait comment tuer Lahilié, quand, tout àcoup, il entendit du bruit prés de lui, et ouvrant les yeux, il aperçut un vieillard à lalongue barbe blanche et aux yeux doux.— Tu veux tuer Lahilié ? demanda le vieillard.— Oui, répondit le roi. Seulement je n’ai pas encore inventé par quel supplice.— Mais, Lahilié. c’est toi, dit le vieillard.— Ce n’est pas vrai, dit le roi : moi, c’est moi ; Lahilié, c’est Lahilié.— Toi et Lahilié c’est la même chose, dit le vieillard. Cela te semble seulement quetu n’es pas Lahilié et que Lahiliè n’est pas toi.— Comment, il me semble ! dit le roi. Je suis couché là, sur un lit moelleux, entouréd’esclaves dociles et demain comme aujourd’hui je m’amuserai avec mes amis,tandis que Lahilié est maintenant dans une cage comme un oiseau, et demain, lalangue pendante, il sera empalé, et se recroquevillera jusqu’à ce qu’il en meure etque son corps soit dévoré par les chiens.— Tu ne peux ôter la vie, dit le vieux.— Comment ! et ces quatorze mille guerriers que j’ai tués, dont j’ai fait ...
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