Alphonse AllaisDeux et deux font cinqSur un éclat de rire approbateur de son mari (ou de son amant ? j’ignorais encore),la jeune femme reprit, avec une assurance non dénuée de culot, le récit de leuraventure :— D’abord, moi, quand j’étais jeune fille, il y a une phrase qui revenait souvent dansla conversation des personnes graves et qui m’intriguait beaucoup. Les personnesgraves répétaient à mi-voix et avec des petits airs pudiques et idiots : « On ne doitjamais se conduire avec sa femme comme on se conduit avec sa maîtresse. »Dans mon vif désir de m’instruire, je m’informais : « Comment se conduit-on avecsa femme ? Comment se conduit-on avec sa maîtresse ? » Et il fallait voir la têteahurie des bonnes femmes ! Au fond, je crois qu’elles n’avaient, sur ce sujet, quedes notions très superficielles. Alors, elles me faisaient des réponses flasques etmucilagineuses : « Eh bien ! mon enfant, voici : les messieurs tiennent, devant leursmaîtresses, des propos qu’ils ne doivent pas tenir devant leur femme… Lesmessieurs vont avec leurs maîtresses dans des endroits où ils ne doivent pasamener leur femme », etc., etc… J’avais beaucoup de peine à me payer de cesraisons, et un jour je faillis flanquer une attaque d’apoplexie à une grosse damepudibonde, en lui demandant froidement : « Est-ce que les messieurs embrassentleurs maîtresses d’une certaine façon qu’ils ne doivent pas employer avec leurfemme ? » À part moi, je me disais confidentiellement : « Toi, ma ...
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