L’Amour de la vieJack Londontrad. Paul Wenz1907Alors qu’ils descendaient le long de la berge en boitant douloureusement, l’hommequi marchait le premier chancela soudain parmi les rochers. Tous deux étaientfatigués et faibles, leurs visages contractés avaient cette expression de patienceque donnent les privations longtemps endurées. Ils étaient lourdement chargés decouvertures roulées et retenues par des courroies à leurs épaules : d’autressangles qui leur passaient sur le front aidaient à soutenir le fardeau. Chaquehomme portait un fusil et marchait plié en deux, les épaules en avant, la têtepenchée, les yeux à terre.— Si seulement j’avais deux cartouches… Dire que notre réserve est là-bas,enfouie dans notre cache, dit le second homme.Sa voix était atone et lugubre. Il parlait sans enthousiasme ; l’autre qui traversait enboitant le courant écumant et laiteux, parmi les rochers, ne répondit pas.Son compagnon le suivit sur les talons. Ils n’avaient pas enlevé leurs chaussures.L’eau était si froide que leurs chevilles leur faisaient mal et que leurs piedss’engourdirent. À certains endroits, l’eau atteignait leurs genoux et tous deuxchancelaient en cherchant où mettre le pied.Celui qui était derrière glissa sur une pierre lisse, tomba presque mais reprit sonéquilibre d’un violent effort ; au même instant, il cria de douleur. Il se sentit faible etla tête lui tourna ; tandis qu’il titubait, il étendit sa main libre comme s’il cherchait unsupport dans le ...
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