Alphonse AllaisDeux et deux font cinq— Alors, comme ça, te v’là revenu ?— Mais oui.— T’as bien rigolé en route. Les peaux-rouges t’ont pas scalpé ? Fais voir.— Contemple. (Je me découvre.)— Non, t’as encore tes douilles. À Washington, as-tu rencontré le petit O’Kelly ?— D’abord, je ne suis pas allé à Washington et puis, je ne connais pas le petitO’Kelly.— C’est un gosse américain que j’ai joué avec, cet hiver, à Cannes.— Et toi, mon vieux Pierre, que fais-tu de bon ? Travailles-tu un peu ?— Travailler pendant les vacances ! Eh ben, mon vieux, t’as pas la trouille ! surtoutc’t’année qu’il va me mettre au lycée.— Qui ça, il ?— Papa, donc.— Tu me sembles bien irrévérencieux pour l’auteur présumé de ton existence.— Tu trouves. Pourquoi donc que je serais révérencieux avec un bonhomme à quique j’ai jamais rien fait et qui me boucle dans un bahut comme si j’étais une salefripouille. Aussi, pour les devoirs de vacances qu’il m’a donnés à faire, il peuts’taper.— Mais quand il s’apercevra que tu n’as rien fait…— Il s’apercevra de rien. Maman et moi, nous lui montons le coup. Tous lessamedis, il s’amène : — Pierre est convenable ? qu’il fait. — Mais oui, que mamanrépond. — Il fait bien ses devoirs ! — Mais oui. — Il sait bien ses leçons ! — Maisoui, mon ami.— Elle a du toupet, ta maman !— Ça, tu peux le dire ! Un vrai culot ! On le dirait pas, hein, avec son petit air !Quand elle fiche des blagues comme ça à papa, j’ai envie de l’embrasser commedu pain… ...
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