Alphonse AllaisDeux et deux font cinq— Bonjour, vieux !— Bonjour, docteur !Et comme nous étions pressés, nous ne nous arrêtâmes point même au plus furtifshake-hand et nous poursuivîmes notre route, le docteur vers la Bastille, moi dans ladirection de la Madeleine.Le monsieur avec qui j’étais avait manifesté un réel dégoût à l’aspect du docteur etje sentais qu’il mijotait en lui une terrible révélation.— Vous connaissez cet individu ? fit-il au bout d’une minute de silence, longuecomme un siècle ou deux.— Qui ça ? Le docteur P… ? je crois bien, que je le connais ! — Eh bien ! mon cher ami, je ne vous en fais pas mon compliment !— Pourquoi donc ?— Parce que cet individu est un rude salaud !— Ah bah !— Un rude salaud et, j’ajouterai, un cynique comme on n’en rencontre pas souvent !Certes le docteur P… n’est pas parfait. Il se bat pour la vie un peu avec les armesqui lui tombent sous la main (tout le monde n’hérite pas d’un arsenal tout fait), maisentre ça et être un rude salaud et un dégoûtant cynique, il s’interpose quelquesnuances.D’abord, il est à peu près docteur comme vous et moi. Il n’a même avec la plusélémentaire thérapeutique que des rapports extrêmement lointains.On l’appelle docteur, comme on en appelle d’autres commandant, parce quecertaines allures imposent certains titres, sans qu’on puisse jamais préciserpourquoi.L’amusant de la situation, c’est que P… s’imagine parfois être un véritablemorticole, et qu’il n’est pas rare de le ...
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