Le Mariage de Jean l’InnocentLes gars d’autrefois étaient plus timides que de nos jours. Jamais un jeune homme n’aurait osé aller, seul, demander une fille enmariage. Il se faisait accompagner d’un homme âgé, ayant la langue bien déliée, et qui savait faire valoir les qualités du galant. Cetindividu qui, le plus souvent, exerçait la profession de couturier, était désigné sous le nom de Chaussenaire.La mère Gefflot, du bourg de Saint-Erblon, avait un gars, appelé Jean, point trop fin, qu’elle désirait marier. La vieille songea àPerrine Jambu, du village de Teslé, qui lui semblait posséder tout ce qu’il faut pour rendre un homme heureux.Un petit tailleur à la journée fut chargé d’accompagner le fils pour la demande en mariage, et la bonne femme leur fit, à tous les deux,la leçon sur ce qu’ils devaient dire. Lorsqu’ils furent en présence de la fille, le jeune homme, après avoir fait connaître le but de savisite, énuméra, comme ça se fait toujours, ce qu’il possédait.— La belle prée, qui est à l’entrée du bourg de Saint-Erblon, est à ma.Oh ! ajouta Chaussenaire, tu pourrais ben dire les deux.— J’ai huit vaches dans mon étable.— Tu pourrais ben dire seize.— Deux belles juments dans mon écurie.— Tu pourrais ben dire quatre.— Trois cochons dans ma soue.— Tu pourrais ben dire six.— Tout cela est bel et bon, répondit la fille ; mais j’aime mieux être franche, et vous dire que je ne peux pas vous épouser, parcequ’on m’a dit que vous aviez une jambe pourrie.Le ...
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