Mémoire de Master Science Politique

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Niveau: Supérieur, Master, Bac+5

  • mémoire - matière potentielle : master

  • mémoire


Mémoire de Master 2 - Science Politique Etudes Africaines Université Paris I – La Sorbonne 2006 – 2009 « Toi tu dégages ! » Un Terrain qui résiste : Production des places et des frontières hiérarchiques dans le Sud Maroc Joséphine BELIN Mémoire réalisé sous la direction de Madame le Professeur Johanna SIMEANT

  • spirale de la façade indéfinie

  • illusion de l'expérience et des connaissances

  • contexte familial

  • perspective préoccupante des élections

  • exposition des étapes du terrain

  • terrain d?enquête


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Mémoire de Master 2 - Science Politique Etudes Africaines Université Paris ILa Sorbonne 20062009 « Toi tu dégages ! » Un Terrain qui résiste : Production des places et des frontières hiérarchiques dans le Sud Maroc Joséphine BELIN Mémoire réalisé sous la direction de Madame le Professeur Johanna SIMEANT
AVERTISSEMENT Etant donné les faits rapportés dans le présent travail, l‟auteur a préféré recourir à un pseudonyme.
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Amon ami Mohamed M., qui se bat pour les Droits de l‟Homme au Marocet qui vient d‟en perdre un œil,et aux yeux, verts, de Zénobie.
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REMERCIEMENTS
Je remercie Madame Siméant et Monsieur Banégas, mes professeurs, pour leurs enseignements, leur attention et leurs encouragements, Sylvain, qui en août 2007 m‟a rattrapée par la main, et qui depuis l‟a gardée contre lui,Kisito pour son indéfectible foi en moi, Hélène et Nathalie pour leur soutien et leur profonde amitié, Et tous ceux qui ont été là à leur manière, ces deux dernières années.
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SOMMAIRE
Remerciements Sommaire Avant Propos Introduction Problématique Points de réflexion et apports bibliographiques Hypothèses principales Méthode
Notes préalables
p.4 p.5 p.8
p.9
ILa Dynamique en entonnoir d’un terrain qui résiste: les spirales de la mise en vulnérabilité p.28 > Contexte sur le terrain lors de mon arrivée : la perspective préoccupante des élections législatives et la grève des transports> Les conditions de ma rencontre avec le terrain p.31 Fixation de mon sujet Interférences contextuelles : contextes familial, matériel, personnel et national L’illusion de l’expérience et des connaissancesContraintes morales, tendance à la « planque » pacifiste> Présentation de mon terraind‟enquête p.37 Exposition des étapes du terrain Récit résumé de mon terrain > Les contraintes du sociologue sur le terrain : les habitudes bousculées p.42 > Mise en vulnérabilité par une situation qui pousse à la paranoïa p.44 > Guetter l‟information et la protectionp.49: la spirale de la façade indéfinie et contingente
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II - Figures de la jeunesse marocaine : des cadets sociaux avec unechercheuse occidentale p.54 > S‟approprier quelque chose de l‟Occident: L‟occidentale commeobjet d’extraversionSimo, le faux guide Faire valoir social : s’afficher avec une occidentale> La chercheuse à l‟épreuve de l‟anti-occidentalisme: l‟opportunité de dire sacolère p.62 Quand l’Occident bouffe l’AfriqueLe viold’une occidentalecomme fait social total et comme mode de subjectivation > Que dire à un chercheur?! L‟incongruitép.66de la gratuité de la relation > La « Touba», l‟outil religieux de l‟individuation masculine p.69 > La reconversion réussie de militants politiques : un statut social à la clef p.70 III Être une femme occidentale sur le terrain : le statut double et vulnérabilisant de l’étrangère p.72 > L‟espace public pour les hommes et pour les femmes : une occupation différenciée et hiérarchisée
> La radicalisation de l‟expérience de genre, sur fond d‟évanouissement du sentiment de son identité de genre p.77 > Le statut de femme raconté par les hommes : la violence des mots imposés à l‟expérience p.80 > Se rendre au hammam: la domination par les femmes jusque dans l‟espace intime p.84 > La position paradoxale de la chercheuse occidentale sur le terrain : le statut d‟étrangère p.85 > Se faire violer: l‟expérience d‟un acte ayant pleinement sa place dans le spectre des possibles p.91 Conclusion p.94 Bibliographie p.97 Annexes p.110
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AVANT PROPOS «L‟objectif de l‟atelier était au départ de discuter de l‟utilisation de catégories d‟analyse occidentales (« genre », « classes », « dichotomie privé - public », « mouvement social », etc.) dans l‟appréhension de sociétés qui ne les avaient pas produites.N‟ayant pas instauré de protocole strict pour le déroulement de ces réunions informelles, il a fallu nous rendre à l‟évidence: au bout de six mois, nous avions moins débattu d‟analyse théorique que nous n‟avions raconté et écouté nos «expériences» de terrain. Il s‟agissait de
nos émotions diverses, de questions d‟argent, de sexualité, de difficultés dans le recueil de données que nous n‟avions jamais eu l‟occasion de relater, car nous estimions, à tort, que c‟était en dehors del‟objet direct de notre étude.Le rôle « thérapeutique » est ici évident. Mais nous ne pouvions nous en satisfaire, et avons alors décidé d‟objectiver ce rapport au terrain, et de passer à l‟écriture.» « Quelques réflexions sur le rapport de jeunes chercheuses féministes à leur terrain », inTerrains et Travaux n°10, 2006 « Je n‟aime pas ce terrain. J‟ai beaucoup de difficultés à pouvoir y penser et à me replonger dedans. Beaucoup de colère contre moi-même et de honte à raconter. On se croit plus malin que les autres. Et on pense que c‟est plus facile quand on connaît.» 3 Mars 2008
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INTRODUCTION
1 « Toi tu dégages !» sont les mots qui m‟ont été adressés par un «flic en civil » la 2 veille au soir de mon départ du terrain. J‟étais alors attablée au «»café des jeunes d‟une petite ville de montagne de l‟Anti-Atlas marocain, en train de discuter avec Youssef, un jeune chercheur, au sujet de sa thèse d‟anthropologie sur les différentes «tribus » de la région. Par
deux fois déjà, le « flic en civil» l‟avait interpellé pour lui demander d‟arrêter notre conversation. Devant un troisième refus manifeste, il venait de le bousculer violemment de sa chaise pour le faire tomber, ce à quoi j‟avais réagi en bondissant de la mienne et en lançant un
« non mais ça va pas non ?! » stupéfait et arrogant. Silence dans le café pourtant bondé ; alors,
afin de détendre l‟atmosphère, j‟ajoutais «si c‟est moi qui dérange c‟est moi qui m‟en vais.»
« Toi tu dégages ! », et je quittai le café. A ma grande surprise, l‟altercation se poursuivit dans le café. J‟étais rejoint en bas de mon hôtel parWassim, un étudiant syndiqué d‟Agadir rencontré deux jours auparavant. Se montrant séduit par mes réactions, il tenta de me convaincre d‟y retourner «tu as raison ils 3 n‟ont pas le droit de nous traiter comme ça ces connards du Makhzen! ils vivent encore sous
1 Ces guillemets ont pour objectif d‟interpeller le lecteur sur le fait que je n‟avais pas, et n‟ai toujours pas, connaissance de l‟identité exacte de cet homme (fonction, titre, hiérarchie professionnelle, relation avecles autorités et autres). Idem pour les autres « flics en civil» qui m‟ont surveillée les trois dernières semaines sur le terrain. En outre je les désignais alors ainsi, ce qui fait sens pour l‟analyse de la situation d‟enquête.2 Nom attribué par divers hommes et jeunes gens rencontrés. 3 « Makhzen » est un substantif arabe qui signifie «le lieu où l‟on cache» (« khzen » veut dire « cache ! »). Il désigne ensuite un entrepôt fortifié utilisé jadis pour le stockage des aliments (il a donné le mot « magasin » en français). Le Makhzen est alors affilié au Trésor, au fisc ; il symbolise la puissance temporelle du calife chérifien qui est seul légitime pour prélever l‟impôt. Jusqu‟au Protectorat, le Makhzen est en pratique le Palais Royal. Cependant, par extension depuis le XVIIème, il représente l‟ensemble de l‟appareil d‟Etat marocain et son système politique. C‟est avec les «années de plomb» sous Hassan II qu‟il prend une connotation autoritaire. Le Makhzen devient un principe d‟autorité à dimension féodale reposant sur le système de l‟allégeance et de la soumission par la force. Il est un mode de gestion de la population et de l‟édifice politique, s‟appuyant sur des réseaux pénétrant toutes les sphères de la société au côté de l‟administration territoriale pyramidale. Pour Mohamed Tozy c‟est une gouvernance: « Conceptuellement tout le dispositif autoritaire est porté par un paradigme qui réfère au système Makhzen. Celui-ci est plus qu‟un mode de gouvernement: il est à la fois une manière d‟être et de faire, qui habite les mots, épice les plats, fixe le cérémonial des noces, tisse les habits de circonstance et détermine le rituel de référence qui fixe la forme et le contenu de la relation entre gouvernant et gouvernés. » Mohamed TOZY, « Les Enjeux de pouvoir dans les « champs politiques désamorcés » au Maroc », inChangements politiques au Maghreb, dirigé par Michel CAMAU, Ed. du CNRS, Paris, 1991, p.158, reprenant Rachida CHERIFI,Le Makhzen politique au Maroc, Casablanca, Afrique Orient, 1983. Le terme est aujourd‟hui
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4 Basri , tu as vu ça? Mais c‟est fini! Il faut qu‟ils comprennent que c‟est fini tout ça! Ils n‟ont 5 pas le droit ! Viens on y retourne ! ». Je refusais . Cette expression, « Toi tu dégages !», lors d‟un épisode en fin de terrain expose rapidement l‟état auquel aboutit ma relation avec celui-ci. Après six semaines au Maroc, dont cinq semaines dans le sud du pays, j‟étais acculée à une situation de blocage avec deux de mes 6 trois groupes schématiquement définis d‟interlocuteurs: l‟«ONG » qui était mon contact sur place depuis une année et sur laquelle j‟avais déjà effectué un premier dossier de recherche après une semaine avec elle sur le terrain, les « autorités », et la « population locale ». La veille, au téléphone avec le président de l‟ONG,j‟avais compris que l‟ONG ne souhaitait plus être impliquée au sujet ni de mon travail ni de ma présence. Lui, me conseillait de quitter 7 les lieux. De même de la part des « autorités », implicitement, lorsqu‟elles me soumettaient sous différentes formes à une pression quotidienne. Le blocage allait se cristalliser autour de l‟absence d‟autorisation officielle pour mener une recherche dans la région, devenue cette fois 8 nécessaire contrairement à l‟été précédent. De surcroît, une sorte de défiance à mon égard me semblait diffuser au sein de la population locale.
utilisé pour pointer les aspects les plus traditionnels du fonctionnement de l'État au Maroc. Sources : Rémy LEVEAU,Le Fellah marocain défenseur du trône, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1976 ; John WATERBURY,Le Commandeur des croyants, Paris, Presses Universitaires de France, 1975, et Ernest GELLNER,Saints of the Atlas, London, Weindefeld and Nicholson, 1969 ; et pour le Sud Maroc : Paul PASCON,La Maison d’Iligh et l’histoire sociale de Tazerwalt, Rabat, SMER, 1985, Thomas LACROIX,Les Réseaux marocains du développement, Géographie du transnational et politiques du territorial, Paris, Presses de Sciences Po, 2005. 4 Référence à Driss Basri, Ministre de l‟Intérieur marocain de 1979 à 1999, pilier et symbole des « années de plomb ». « Les années 1990-1991 ont marqué la fin de ce qu‟il est maintenant convenu d‟appeler les "années de plomb". Cette période d‟une quinzaine d‟années a vu la répression brutale et systématique […] de toutes les oppositions politiques au Makhzen et à la monarchie. » Pierre VERMEREN,Le Maroc en transition,Paris, La Découverte, 2001, p.62-63. 5 Episode brièvement évoqué ici, décrit en détails dans le récit de terrain en Annexe. 6 J‟emploierai dans ce travail le terme d‟« interlocuteurs» et non d‟«enquêtés » étant donné que rares furent les moments où je considérais les personnes rencontrées comme faisant partie de mon enquête ; mais plutôt comme de simples représentants locaux ou des informateurs pour « prendre la température » du terrain et guider la construction de mon objet de recherche. J‟écrirai simplement «l‟ONG», en revanche les autres associations évoquées et les interlocuteurs rencontrés, recevront respectivement des noms et prénoms de substitution. Cf. Annexe : liste détaillée de mes interlocuteurs. 7 Les guillemets soulignent le fait que j‟emploie une expression générique pour désigner les représentants de l‟ordre public, parmi lesquels on peut grossièrementdistinguer les services de la commune, et l‟administration territoriale, héritière et encore clairement nommée comme étant le « Makhzen » au niveau local, terme historiquement et symboliquement chargé comme nous l‟avons vu.8 L‟été 2006, lors de ma semaine à Taliouine avec l‟ONG, j‟avais pu accéder aux villages environnants sans avoir rencontré les autorités et sans qu‟on ne m‟ait parlé de la nécessité d‟une autorisation.
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9 Me sentant de plus en plus poussée à la « paranoïa » ,sans plus d‟appui ni autorisation officielle, je finis par renoncer à poursuivre cette enquête. Je pensais toutefois rejoindre Rabat
et me pencher sur un autre sujet.
Lorsque, ce dernier soir, alors que j‟avais décidé de partir et avais pris soin l‟après-midi d‟en 10 informer le Caïd , ce « flic en civil» allait jusqu‟à employer la violence verbale et physique. Par ailleurs, si j‟entretenais de bonnes relations avec quelques personnes rencontrées, et 11 entrais de plus en contact avec des jeunes, « faux guides » , étudiants, membres d‟associations, instituteurs et professeurs, je devais cependant être ennuyée à maintes reprises
en tant que jeune femme occidentale. Un désagrément qui jouait sur mes conditions de travail,
sans être pour autant insurmontable. Ceci jusqu‟à ce que je subisse dans cette même dernière
soirée, une agression sexuelle d‟un étudiant figurant parmi mes rencontres avec la population
locale. Je rentrai à Paris.
Au cours de ce terrain j‟ai deux fois fait évoluer mon sujet de recherche. En arrivant au Maroc je souhaitais observer les impacts de la socialisation, et précisément de la politisation d‟immigrés en France au cours des années 1980, sur leurs activités associatives ou politiques
au Maroc ; et parallèlement prendre en considération le regard de la population locale à 9 Mon intention n‟est pas ici de tirer mon propos vers une conception psychologisante, mais de la même façon que Maryvonne David-Jougneau le fait dans son ouvrageLe Dissident et l’institution ouAlice au pays des normes, j‟utiliserai cette notion de manière sociologique pour décrire des situations où je me retrouve isolée, en position d‟extériorité, de vulnérabilité et d‟interprétation permanente, ceque l‟on résume ordinairement comme de la paranoïa. Ainsi à chaque fois que je ferai référence à de la paranoïa, cela ne signifiera pas que je devenais un cas clinique relevant de la psychiatrie. Seulement, dès lors que l‟on pose l‟idée que laparanoïan‟est pas seulement du mental mais quec‟est du social, on comprend que les états intérieurs que je traverse,relèvent d‟une situation d‟enquête face à laquelle je me sens moi-même de plus en plus paranoïaque. Maryvonne DAVID-JOUGNEAU,Le Dissident et l’institution ou Alice au pays des normes, Paris, l‟Harmattan, 1989. 10 Le Caïd fait partie des représentants formels locaux du Makhzen, nommés par la hiérarchie depuis le Ministère de l‟Intérieur. Il se situe au même niveau hiérarchique que le Président de Commune (équivalent du Maire en France), qui lui est le représentant élu; son champ d‟action est la commune rurale ou urbaine, désigné en ce qui le concerne Caïdat. Si les zones d‟action des autorités nommées et élues se chevauchent, de même que pour les autres niveaux administratifs, elles ne se superposent pas exactement et présentent des particularités locales. Précisément en ce qui concerne les autorités informelles. Cf. Annexe : Schéma des pouvoirs publics au Maroc. Sources : recoupement des informations recueillies auprès de mes amis et rencontres marocaines travaillant sur le territoire, en lien direct avec les autorités (non-cité dans ce travail: Karim travaillant au sein d‟une DPA, Direction Provinciale d‟Agriculture rattachée au Ministère de l‟Agriculture et du Développement Rural du Royaume du Maroc) ou actifs dans la sphère politico-associative (cités dans ce travail : Malik, Boubaker), et de régions d‟origine différentes (pour ceux cités: Fès, Moyen-Atlas, Anti-Atlas) et d‟origines socioéconomiquesdiverses. 11 Ce que je nomme ici « faux guide » correspondaux individus prêts à offrir leurs services d‟intermédiaire aux étrangers et précisément aux touristes, en majorité occidentaux au Maroc, pour la découverte et la visite de la localité et de la région. Les opposant aux « guides officiels », reconnus, répertoriés et badgés par les institutions en charge dutourisme dans une localité donnée. Je reviendrai sur la position qu‟ils occupent dans l‟espace local dans la partie II de ce travail.
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