COMPOSITION EN LANGUE ÉTRANGÈRE Rapport présenté par Mme Marie Madeleine Gladieu

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Niveau: Supérieur

  • dissertation

  • mémoire


COMPOSITION EN LANGUE ÉTRANGÈRE Rapport présenté par Mme Marie-Madeleine Gladieu Les phrases de William Rowe, commentateur et ami d'Arguedas, extraites d'un article intitulé Arguedas : música, conocimiento y transformación social, et inséré dans les Ensayos arguedianos, mettent en évidence les aspects essentiels de l'œuvre de l'auteur en général, de l'ethnologue et du compilateur de chants et de légendes andines, à l'écrivain qui tente ce pari impossible de transcrire dans ses œuvres littéraires toute la réalité andine, sans la déformer, et au militant de ce « Pérou profond », avocat de ce « Nouvel Indien » sur lequel se penchent les essayistes indigénistes des années trente, le métis andin. Rappelons-les : Arguedas echa mano a la cultura andina para construir una imagen del conocimiento no enajenado, que alimentará su vida y su creación. Lo cual implica ya, no un acercamiento meramente funcional a la cultura andina, tal cual es, sino un acercamiento en cierta medida utópico, que no significa la falsificación, ni tan siquiera una actitud indigenista. Se trata más bien de utilizar los materiales y los símbolos de esa cultura, dentro de una perspectiva utópica y transformadora con el fin de presentar una nueva cultura posible y necesaria. Si, comme chaque année, un certain nombre de candidats ont réussi avec brio cette épreuve, le jury a souligné plusieurs points dont il tient à faire part aux futurs candidats au concours, afin d'attirer leur attention sur les défauts dont il conviendrait de se débarrasser, et qu'un travail sérieux permet de corriger.

  • andine préhispanique

  • synthèse des points d'intérêt du développement

  • chants des chicherías de huanupata

  • refus de la société industrielle et de la culture urbaine

  • engagement actif d'arguedas pour la reconnaissance de la culture

  • pisonay aux fleurs rouges

  • monde andin

  • arguedas


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COMPOSITION EN LANGUE ÉTRANGÈRE
Rapport présenté par Mme Marie-Madeleine Gladieu
Les phrases de William Rowe, commentateur et ami d’Arguedas, extraites d’un article intitulé
Arguedas : música, conocimiento y transformación social
, et inséré dans les
Ensayos arguedianos
,
mettent en évidence les aspects essentiels de l’oeuvre de l’auteur en général, de l’ethnologue et du
compilateur de chants et de légendes andines, à l’écrivain qui tente ce pari impossible de transcrire
dans ses oeuvres littéraires toute la réalité andine, sans la déformer, et au militant de ce « Pérou
profond », avocat de ce « Nouvel Indien » sur lequel se penchent les essayistes indigénistes des
années trente, le métis andin. Rappelons-les :
Arguedas echa mano a la cultura andina para construir una imagen del conocimiento no enajenado,
que alimentará su vida y su creación. Lo cual implica ya, no un acercamiento meramente funcional a
la cultura andina, tal cual es, sino un acercamiento en cierta medida utópico, que no significa la
falsificación, ni tan siquiera una actitud indigenista. Se trata más bien de utilizar los materiales y los
símbolos de esa cultura, dentro de una perspectiva utópica y transformadora con el fin de presentar
una nueva cultura posible y necesaria.
Si, comme chaque année, un certain nombre de candidats ont réussi avec brio cette épreuve, le jury a
souligné plusieurs points dont il tient à faire part aux futurs candidats au concours, afin d’attirer leur
attention sur les défauts dont il conviendrait de se débarrasser, et qu’un travail sérieux permet de
corriger. Si la grande majorité des copies montre un niveau de langue tout à fait honorable, une
langue imprécise et fautive a nui à la qualité d’un assez grand nombre de devoirs (un nombre en
augmentation par rapport à l’an dernier). La lecture régulière de « bons » auteurs, le crayon à la main,
aide à se « vacciner » contre les erreurs entendues au quotidien dans notre métier. De plus, l’exercice
de la dissertation signifie la maîtrise d’une technique non pratiquée au quotidien, et qu’il s’agit donc de
ne pas oublier, ou de se remettre en mémoire. Pour réussir, il convient aussi de montrer que l’on a lu
et approfondi l’oeuvre (le roman, ici) entièrement, en ne s’arrêtant pas au premier chapitre ; ignorer
l’oeuvre au programme est rédhibitoire, cacher cette ignorance aux correcteurs est impossible. Ne
doutant pas du sérieux des candidats à ce concours, qui mettront tout en oeuvre pour éviter de
retomber dans ces erreurs, examinons à présent le sujet proposé.
L’introduction à un exercice de dissertation doit comporter une analyse de la citation proposée, dont il
ressort une problématique du sujet ; afin de traiter ce sujet le plus exhaustivement possible, une
proposition de plan, ou de démarche d’étude, vient enfin. Il convient donc d’abord de prendre en
compte l’ensemble de la citation, sans oublier certains de ses aspects, en gardant à l’esprit qu’il s’agit,
à partir de cette citation, de porter un jugement sur une oeuvre littéraire (le « fond » ne doit pas
occulter la « forme », l’un étant inséparable de l’autre). La recherche des mots clés, des expressions
qui évoquent des écrits, des déclarations, des prises de position de l’auteur, constitue la première
étape du travail.
Les premiers termes de la citation renvoient à la culture andine (et non à la seule culture indienne).
Arguedas ethnologue, celui qui, professeur à l’école de Sicuani, demandait à ses élèves de recueillir
les récits traditionnels et les légendes de la ville et des villages des alentours, ou encore qui répertorie
les chants des divers lieux des Andes péruviennes, qui prend note des noms des chanteurs et des
musiciens, est présent derrière cette expression. Il est aisé de trouver des exemples illustrant cette
activité d’Arguedas, dans divers domaines, sans tomber dans le défait du « catalogue » systématique.
Tous les chapitres du roman peuvent fournir des éléments de réflexion ; ne les choisir que dans
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l’épisode de la visite de Cuzco tend à montrer que seul ce chapitre a été correctement étudié…
L’accent y est d’ailleurs porté sur le métissage de la culture andine, Espagnols et Indiens ayant
collaboré dans bien des cas pour créer certains bâtiments, et des éléments de la culture hispanique
ayant été intégrés au monde andin (les taureaux, par exemple).
L’expression qui retient ensuite l’attention est « conocimiento no enajenado ». Elle renvoie au vécu
d’Arguedas, et en particulier au discours prononcé par lui lorsqu’il reçut le Prix Garcilaso de la Vega.
Vie et création, travail de folkloriste et de créateur littéraire, sont indissociables ; l’image que la
littérature doit donner de la vie sera la plus fidèle possible, une « photographie » du réel, disait
quelques décennies plus tôt Clorinda Matto de Turner. Nous trouvons, en contrepoint, la vision des
Andes proposée par les auteurs du début du XXème siècle, en particulier par Ventura García
Calderón, cet « acercamiento meramente funcional a la cultura andina » pour lequel l’objet littéraire
n’a de valeur que par sa beauté et par les réactions d’admiration ou de répulsion qu’il inspire, et par
son exotisme.
La vision « utopique » qui s’oppose à la vision « fonctionnelle » doit également poser problème. Il ne
s’agit pas ici de l’ « utopie archaïque » développée par Mario Vargas Llosa dans son fameux essai,
une inadaptation au monde actuel conduisant au retard économique et à l’échec d’une certaine idée
de la société (refus de la société industrielle et de la culture urbaine). Arguedas, en effet, a toujours
été attentif aux mutations et aux changements de la société et de la culture andines, sensible aux
apports nouveaux nés du métissage culturel, au développement de la culture andine dans les
« barriadas » des villes de la Côte, à l’évolution de la vie quotidienne des communautés dans la
Vallée du Mantaro ; le progrès ne prend tout son sens que s’il ne tourne pas le dos à la tradition, s’il
l’intègre pour la dépasser.
Cette vision « utopique » est diamétralement opposée à la falsification, qu’il s’agisse de l’idéalisation
des Andes ou de leur diabolisation. L’écrivain, nous l’avons vu, doit la vérité à ses lecteurs, s’il veut
rester crédible. Comme Ernesto aimerait écrire pour Justina et les autres jeunes filles des villages
andins, et rédige pour Salvinia, oralement d’abord, une lettre qui évoque l’image de la jeune fille
entourée de la nature andine, comme une pierre précieuse dans son écrin, où la vérité de chaque
détail fait la beauté de la missive, Arguedas écrit son roman en se basant toujours sur la vérité andine
(Cf. l’attention portée aux détails de la nature, aux herbes, aux fleurs et aux insectes, à leur vol, au vol
et au chant des oiseaux, etc.). Dire la vérité signifie aussi ne pas fermer les yeux sur les défauts, quel
que soit l’amour porté au détail étudié. Et le monde andin d’Arguedas n’est pas parfait, que l’on pense
au village sans nom du second chapitre dont les habitants haïssent les étrangers, aux rivalités entre
internes du collège et aux coups échangés pendant les récréations, aux viols répétés de la femme
handicapée mentale, etc.
La « nueva cultura posible y necesaria », fondée sur les matériaux de base et les symboles de la
culture andine, qui rappelle les options de José Uriel García dans
El nuevo indio
et de Luis E.
Valcárcel dans
Tempestad en los Andes
et de
La ruta cultural del Perú
, s’incarne dans le personnage
d’Ernesto, fils de Blancs élevé par les Indiens qui lui ont donné, de son propre aveu, la sensibilité qui
le caractérise. Ernesto condamne le comportement des grands propriétaires traditionnels, comme le
Vieux du premier chapitre, qui est pourtant son parent proche, celui des grands propriétaires
pratiquant l’agriculture plus « moderne », d’exportation, comme celui de Patibamba ; il condamne
aussi un certain clergé, lié aux intérêts de ces propriétaires terriens. Et il part à la recherche de la
culture andine authentique, qu’il trouve dans les
chicherías
du quartier pauvre et sale de Huanupata,
dans la musique et les chants des harpistes et autres musiciens qui animent ces lieux et renouvellent
la tradition, créent de nouveaux chants, mais aussi dans le courage des
chicheras
qui font revivre une
ancienne coutume quechua, la distribution du sel aux habitants de la hacienda, à chacun selon ses
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besoins, disparue avec l’introduction de l’impôt hispanique sur ce produit. Il est évident que cette
nouvelle culture désigne le métissage culturel.
La culture authentique du monde andin, non aliénée, s’oppose ainsi à la notion de culture dominante.
Le système économique, la hiérarchie sociale et la fonction de la religion catholique correspondent
effectivement à la situation de la fin des années vingt ; leur traduction dans le monde romanesque est
faite par des évocations de l’enfer, du manque de communication, du silence, de l’oppression, et en
face, par la présentation du monde du chant, de la générosité et du partage (les
chicheras
métisses
s’emparent du sel pour le distribuer aux Indiens de Patibamba). Ces valeurs, exaltées en paroles par
la religion catholique (le père Directeur ne fait-il pas l’éloge du Vieux Manuel Jésus, qui reçoit si
généreusement les missionnaires évangélisateurs, fermant les yeux sur la misère du
pongo
?),
apparaissent ici comme le retour à la tradition communautaire andine préhispanique, génératrice d’un
système harmonieux qui lie les membres d’une même communauté humaine et évite le repli sur soi.
Ce qui est exception dans le monde andin (le comportement du village sans nom du second chapitre)
est la règle générale dans le monde dominé par les Blancs, qui souffre à son tour des exceptions. Car
Arguedas ne se contente pas de dénoncer l’oppression et sa conséquence première, la répression : il
les traduit par des images à forte valeur esthétique, par des scènes chargées d’émotion (aux guêpes
du village indien de Patibamba, à la boue et aux crapauds des lieux où les êtres humains
apparaissent dans leur turpitude, s’opposent les fleurs aux couleurs vives, les insectes au vol musical,
les oiseaux et les eaux pures qui descendent de la montagne ; mais dans l’arrière-cour la plus sinistre
pousse le
pisonay
aux fleurs rouges liées au soleil, dans les rues sales des villages, les citronniers
parfument l’air et leurs fruits font la joie des enfants) ; le roman indigéniste traditionnel négligeait
l’aspect esthétique et la beauté née de l’opposition entre deux éléments, notion typiquement andine
de la beauté. L’exaltation des éléments et des phénomènes naturels (le « lucero grande », par
exemple, ou encore les invocations aux fleuves), exprimée par une vision mythique du monde, signifie
que le passé fait partie intégrante du présent, et ne saurait être considéré comme un frein à
l’évolution.
La manière d’aborder le problème du mal est sur ce point bien représentatif. Défini par l’iconographie
chrétienne et par le discours des prêtres, annoncé par le passage de la comète de Halley (qui permet
de dater le séjour d’Ernesto au collège) selon les anciens, le mal doit être vaincu à la fois selon les
normes de la tradition et selon celles de la science. Si Ernesto se propose de défier et de tuer la
« madre de la peste », si les Indiens réclament une messe pour vaincre le mal qui touche Abancay,
aucun médecin ne semble résider à Abancay, et en son absence, c’est le père Directeur qui enraye
l’épidémie de typhus en lavant tout au crésyl, puissant désinfectant. Ernesto fait du « zumbayllu » un
objet qui permet d’échapper à l’enfer d’Abancay, de rejoindre la pensée de son père par la magie de
son chant, un objet dont le nom, d’une double appartenance culturelle, devient le symbole de son
enracinement dans la ville. Les eaux du Pachachaca emportant le mal dont souffre Ernesto sont une
reprise de la tradition préhispanique liée à un rite de la fin de l’hiver, quand les restes des sacrifices de
l’année étaient collectés et jetés dans le Watanay, et que l’Inca, sortant de son palais, soufflait vers
l’aval en criant : « Fuera, peste » ; à la fin du roman, ses eaux couvriront la fuite de Felipa, dont le
« rebozo » accroché au-dessus du courant rendra sa dignité à la « opa ». Tout se passe comme si les
mythes anciens survivaient, sous des formes nouvelles, soutenant ceux qui luttent contre l’oppression.
Le problème de la langue s’est posé à Arguedas. Là-bas, tous les personnages non blancs parlent le
quechua ; la plupart des Blancs le comprennent, sans toujours le parler. Frappés par une émotion
forte, les personnages indiens s’expriment dans la langue vernaculaire (l’homme de Chalhuanca
s’indignant des exactions d’un grand propriétaire terrien, ou encore Ernesto imaginant ce qu’il écrirait
à la jeune fille aimée), toujours traduite aussitôt par le narrateur ; les chants des
chicherías
de
Huanupata sont aussi en quechua, traduits également ; la langue espagnole utilisée par certains
personnages indiens semble être du quechua traduit (suppression des articles, définis surtout, devant
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les noms : le quechua, langue agglutinante, n’a pas d’article). Ainsi, symboliquement, la coexistence
et l’interaction de deux cultures sont l’avenir de ces terres et de ce peuple. Mais quand ce roman est
publié, le Pérou n’a pas encore reconnu le quechua comme autre langue nationale, la notion de
culture dominante et de culture dominée est donc encore en vigueur. Ce roman témoigne, par
conséquent, de l’engagement actif d’Arguedas pour la reconnaissance de la culture non hispanique,
non reconnue par la capitale, mais pourtant bien représentative de la réalité péruvienne.
L’axe de réflexion principal s’articule donc autour de la définition de la réalité andine, et de sa
représentation littéraire.
Le développement de la réflexion des candidats, que le plan du devoir doit rendre sensible, s’articule
donc autour de trois points : la vision que propose l’ethnologue de ce monde andin (non aliénée,
« photo » de la réalité, fondée sur l’expérience de l’auteur à travers le personnage du narrateur,
adolescent puis adulte –celui qui corrige les méconnaissances et approximations du temps de son
adolescence-, attentif aux détails et aux signes les plus infimes de la nature) ; du réalisme à l’utopie
réaliste, ou de l’ethnologue au romancier (la part d’invention du narrateur, le lyrisme –une nature
toujours vue, et surtout sentie, par un personnage-, la sensibilité dans l’appréhension du monde
romanesque, l’attendrissement face aux menus détails d’une scène…) ; enfin, du romancier à
l’homme engagé, une prise de position permanente révélée par l’appréhension du monde (l’obsession
de Gabriel, qui veut obliger le Vieux à plus de justice, l’enthousiasme d’Ernesto pour la culture
présente dans le quartier de Huanupata, pour la révolte des « chicheras », pour le harpiste qui chante
la victoire des révoltées…).
Ce plan est l’exemple d’un développement possible du sujet proposé ; les candidats sont entièrement
libres d’en choisir un autre, la seule contrainte étant de développer une réflexion cohérente, et la plus
complète possible (sans tomber dans l’erreur du catalogage non commenté).
S’il n’est pas recommandé d’aller à la ligne à la fin de chaque phrase, il l’est en revanche à chaque
fois qu’une idée, qu’une notion a été développée, et que le candidat passe à l’idée, à la notion
suivante. Une présentation matérielle logique et agréable est très souvent le signe d’une pensée
logique et d’une réflexion aboutie.
La conclusion, « point final » ou « dernier mot » du candidat, propose une synthèse des points
d’intérêt du développement. Le candidat y montre à quel résultat est parvenue sa réflexion sur le sujet
proposé. Elle n’est donc, c’est évident, pas à négliger. Le correcteur restant sur une bonne impression
sera enclin à l’indulgence… surtout si la langue est correcte, précise et élégante.
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