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Sacra loca iberica
« Les forêts furent les temples des divinités et, suivant le rite
antique, les campagnes dans leur simplicité consacrent encore
aujourd'hui à un dieu leur arbre le plus beau»
(Pline, HN, XII, 2, 1)
Carmen ARANEGUI GASC6 *
This richly documented and illustrated study on the placesRichement documentée et illusu'ée, cette étude des lieux
of worship in the south-eastern part of the Iberian world isde culte du Sud-Est du monde ibérique s'appuie sur les
based on epigraphic, architectonic and artistic sources : thesources épigraphiques, architectoniques et artistiques : les
known Greco-Iberian texts, the religious buildings and the tertextes connus en gréco-ibère, les édifices religieux, et les ex
voto de terre cuite, calcaire ou bronze. Mis en place au IVe s. racotta, calcareous or bronze ex-votos. The Iberian sanctuaries,
established in the IVth century B.C., are examined here accorav. J.-c., le sanctuaires ibériques sont ici examinés en fonc
tion de leur implantation territoriale, côtière ou de l'intérieur. ding to their position in the territory, on the coast or in the inter
ior. The development of the social hierarchy is also discussed.L'évolution de la hiérarchie sociale est également évoquée.
Mots-clés: culte, sanctuaire, territoire, société, inscription gréco Key lVords : worship, sanctuary, territory, society, Greco-lberian
inscription, architecture, votive offering, sculpture, plastic represenibère, architecture, offrande votive, sculpture, figuration plastique,
tation, south-eastern Iberia, Ylh_III'd century B.C.Sud-Est ibérique, ye_Ille s. av. J.-c.
dUIl' Sur les pas des Grecs en Occident
Collection E/lldes Massalièles, 4 (1995), pp. 17-30
Carmen ARANEGUI-GASC618
soit à l'intérieur même de l'habitat, aux alentours ou dans
TI Une problélDatique de recherche son territoire. Les spécialistes de la langue ibère ont noté
l'existence de théonymes dans les inscriptions, mais
comme il s'agit de termes sans équivalent dans les langues
connues, il est impossible de savoir si ce sont des noms de
'étude de la culture ibérique n'a pas consacré à l'ana
divinités ou de personnes. Et du fait de cette ignorance, le
lyse des lieux de culte toute l'attention qu'elle mériL
culte que les Ibères pouvaient rendre à ces dieux éventuels
tait. Le débat sur l'organisation sociale des habitats ibé
suppose un champ d'investigation inabordable à partir de
riques a bénéficié de contributions importantes concernant
la documentation onomastique. On continue à débattre
la signification du territoire (Burillo 1989), les tombes
pour savoir si les Ibères de la période la plus ancienne
princières (Almagro 1983), l'existence d'une hiérarchie
avaient élaboré des images des dieux: la dame d'Elche est
dans les centres de peuplement (Bernabeu et al. 1987) ou
elle une déesse? En somme, en l'absence de théonymes as
encore le rapport entre ces aspects et les manifestations ar
surés et de représentations divines indiscutables, on peut
tistiques, particulièrement les représentations liées aux mo
dire que cette culture ne mit en place, dans sa première
numents funéraires (Chapa Brunet 1985 ; Negueruela
phase, aucun type de temple, au sens de lieu attribué par les
1990). En tout cas pour s'en tenir à quelques sanctuaires
hommes comme demeure à la divinité.
El Collado de los Jardines et El Castellar de Santisteban à
Je n'ai pas la prétention de proposer une analyse globaJaén (Nicolini 1969 et 1988 ; Prados 1992) ou El Cerro de
le de ce vaste ensemble de problèmes. Je me contenterailos Santos à Albacete (Ruiz Brem6n 1989) - connus de
dans ce travail d'aborder un aspect de la problématique, enpuis longtemps des chercheurs, on peut retenir une absence
utilisant comme signifiants prioritaires les éléments de cade réflexion théorique sur le concept de sanctuaire dans le
ractère sacré susceptibles d'être mis en relation avec dessystème de relations chez les Ibères et sur son évolution.
inscriptions gréco-ibères, des structures architectoniques et
On sait que les manifestations cultuelles sont multiples
le développement d'une iconographie significative du point
et que les Ibères connaissent des phénomènes aussi cou
de vue social, et en prenant comme zone géographique de
rants que la sacralisation des grottes (Tarradell 1983, 25 ;
référence principale celle du sud-est de la Péninsule ibé
Gîl Mascarell 1975) ou la consécration d'ex-voto de di
rique. Mon objectif est de souligner que tout cela se situe
verses matières (bronze, pierre, argile) dans des lieux parti
dans le cadre de la transition entre la société "princière" de
culiers, mais on ne sait toujours pas avec certitude si les
tradition orientalisante, qui étale sa plus grande richesse
communautés ibériques construisaient des temples avant
encore une fois dans les tombes - durant tout le ve s.
l'époque romaine, même s'il est sûr qu'il existait des es
av. J.-c., et la phase dominée par les aristocraties dites gen
paces construits destinés à des activités cultuelles, que ce
tilices au moment de la mise en place de la société urbaine
dans la pleine période ibère (375-218 av. J. C), et de contri
buer à dégager un phénomène à implications économiques
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2 Plomb de l'oppidum de Coimbra dei Barranco Ancho (d'après
1 Plomb n° 1 de La Serreta (d'après Fletcher). Munoz).Sacra toca iberica 19
4 Plomb attribué à la région de Sagonte (d'après Fletcher et Silgo).
sus autonome et collectif résultant de ]a dialectique entre
les forces hégémoniques et subalternes (Torelli 1977). Les
études de Ghinatti pour la Grande-Grèce (Ghinatti 1976,
60] ; ]983, 24]), de Greco pour la Lucanie (Greco 1991),
de Bodei Giglioni (]977) pour l'appréciation des sources
de revenus des sanctuaires du Latium et, évidemment, cer
tains travaux relatifs au monde phénico-punique (Garda y
Bellido ]963; Grottanelli ]981 ; ]988; 1991) m'ont égale
ment guidée dans ma recherche. Ces auteurs rappellent
l'influence de la navigation dans l'apparition de sanctuaires
côtiers, que l'on peut difficilement classer comme urbains
ou extra-urbains dans la mesure où ils fonctionnent comme
des avant-postes culturels de la colonisation quand on les
trouve dans des ports francs ou des escales maritimes ou
encore sur des points choisis dominant ]e littoral et qu'ils
sont fréquentés par des communautés diverses. C'est ]à
qu'on peut accomplir les préceptes commerciaux liés à la
pratique religieuse méditerranéenne - paiement des taxes,
exécution de sacrifices propitiatoires - grâce au polythéis
me qui permet d'invoquer les divinités de différents pan
théons nationaux sous des appellations ayant une équiva
]ence dans chaque ÎnterpretatÎo (Bloch 1976), linéaire dans
le cas des divinités masculines (Melkart-Herac]ès-Hercule)
et extrêmement polyédrique dans celui des divinités fémi
nines (Astarté-Aphrodite-Vénus, Héra-Juno Regina-Uni,
etc). Je souligne ce fait car j'ai l'intention d'établir qu'ilc; Plomb de la nécropole du Cigarralejo (d'après Cuadrado). J existe une corrélation territoriale entre les lieux sacrés de la
côte et de l'intérieur dans ]a zone géographique retenue.
et territoriales qui se présente vraisemblablement comme
un trait collectif - et non privé - propre au contexte ibé
Répartition des textesrique. Etant donné que nous manquons d'un support ]itté
raire pour aborder ce thème, j'utiliserai les sources archéo inscrits en gréco-ibère
logiques (épigraphiques, architectoniques et artistiques)
moins pour étudier ]a religion des Ibères et leurs divinités
(Lucas 198] ; B]azquez 1983) que]' implantation territori