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MON T ESQU I EU
DISCOU RS
A CADÉMIQU ES
BI BEBO O KMON T ESQU I EU
DISCOU RS
A CADÉMIQU ES
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1119-5
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.DISCOU RS DE RÉCEPT ION A
L’A CADÉMI E DES SCI ENCES
DE BORDEA UX
P RONONCÉ LE P REMI ER MAI 1716.
l’antiquité r e ce vaient leur s disciples sans e x amen et
sans choix : ils cr o yaient que la sag esse de vait êtr e commune àL tous les hommes, comme la raison, et que , p our êtr e philosophe ,
c’était assez d’av oir du g oût p our la philosophie .
Je me tr ouv e p ar mi v ous, messieur s, moi qui n’ai rien qui puisse m’ en
appr o c her que quelque aachement p our l’étude , et quelque g oût p our
les b elles-ler es. S’il suffisait, p our obtenir cee fav eur , d’ en connaîtr e
p arfaitement le prix, et d’av oir p our v ous de l’ estime et de l’admiration,
je p our rais me flaer d’ en êtr e digne , et je me comp ar erais à ce T r o y en qui
mérita la pr ote ction d’une dé esse , seulement p ar ce qu’il la tr ouva b elle .
Oui, messieur s, je r eg arde v otr e académie comme l’ or nement de nos
pr o vinces ; je r eg arde son établissement comme ces naissances heur euses
1Discour s académiques Chapitr e
où les intellig ences du ciel président toujour s.
On avait v u jusqu’ici les sciences non p as néglig é es, mais méprisé es, le
g oût entièr ement cor r ompu, les b elles-ler es ense v elies dans l’ obscurité ,
et les muses étrangèr es dans la p atrie des Paulin et des A usone .
Nous nous tr ompions de cr oir e que nous fussions connus chez nos
v oisins p ar la vivacité de notr e esprit ; ce n’était sans doute que p ar la
barbarie de notr e lang ag e .
Oui, messieur s, il a été un temps où ceux qui s’aachaient à
l’étude étaient r eg ardés comme des g ens singulier s, qui n’étaient p oint faits
comme les autr es hommes. Il a été un temps où il y avait du ridicule et de
l’affe ctation à se dég ag er des préjug és du p euple , et où chacun r eg ardait
son av euglement comme une maladie qui lui était chèr e , et dont il était
dang er eux de guérir .
D ans un temps si critique p our les savants, on n’était p oint
impunément plus é clairé que les autr es : si quelqu’un entr epr enait de sortir de
cee sphèr e étr oite qui b or ne les connaissances des hommes, une infinité
d’inse ctes qui s’éle vaient aussitôt for maient un nuag e p our l’ obscur cir ;
ceux même qui l’ estimaient eu se cr et se ré v oltaient en public, et ne p
ouvaient lui p ardonner l’affr ont qu’il leur faisait de ne p as leur r essembler .
Il n’app artenait qu’à v ous de fair e cesser ce règne ou plutôt cee
tyrannie de l’ignorance : v ous l’av ez fait, messieur s ; cee ter r e où nous
viv ons n’ est plus si aride ; les laurier s y cr oissent heur eusement ; on en
vient cueillir de toutes p arts : les savants de tous les p ay s v ous demandent
des cour onnes :
Manibus date lilia plenis ¹ .
C’ est assez p our v ous que cee académie v ous doiv e et sa naissance et
ses pr ogrès ; je la r eg arde moins comme une comp agnie qui doit p erfe
ctionner les sciences que comme un grand tr ophé e éle vé à v otr e gloir e :
il me semble que j’ entends dir e à chacun de v ous ces p ar oles du p oëte
ly rique :
Ex egi monumentum ær e p er ennius ² .
1. V I RG., Æneid., V I, v . 885.
2. HORA T ., Od., I I I, XX I V .
2Discour s académiques Chapitr e
Nous av ons été animés à cee grande entr eprise p ar cet illustr e pr
ote cteur dont le g énie puissant v eille sur nous ³ . Nous l’av ons v u quier
les délices de la cour , et fair e sentir sa présence jusqu’au fond de nos pr
ovinces. C’ est ainsi que la fable nous r eprésente ces dieux bienfaisants qui
du séjour du ciel descendaient sur la ter r e p our p olir des p euples sauvag es,
et fair e fleurir p ar mi eux les sciences et les arts.
Oserai-je v ous dir e , messieur s, ce que la mo destie m’a fait tair e
jusqu’ici ? and je vis v otr e académie naissante s’éle v er si heur eusement,
je sentis une joie se crète ; et, soit qu’un instinct flaeur semblât me
présag er ce qui m’ar riv e aujourd’hui, soit qu’un sentiment d’amour-pr opr e
me le fit esp ér er , je r eg ardai toujour s les ler es de v otr e établissement
comme des titr es de ma famille .
Lié av e c plusieur s d’ entr e v ous p ar les char mes de l’amitié , j’ esp érai
qu’un jour je p our rais entr er av e c eux dans un nouv el eng ag ement, et
leur êtr e uni p ar le commer ce des ler es, puisque je l’étais déjà p ar le lien
le plus fort qui fût p ar mi les hommes. Et, si ce que dit un des plus enjoués
de nos p oëtes n’ est p oint un p arado x e , qu’il faut av oir du g énie p our êtr e
honnête homme , ne p ouvais-je p as cr oir e que le cœur qu’ils avaient r e çu
leur serait un g arant de mon esprit ?
J’épr ouv e aujourd’hui, messieur s, que je ne m’étais p oint tr op flaé ;
et, soit que v ous m’ay ez fait justice , soit que j’aie sé duit mes jug es, je
suis ég alement content de moi-même : le public va s’av eugler sur v otr e
choix ; il ne r eg ardera plus sur ma tête que les mains savantes qui me
cour onnent.
n
3. Henri-Jacques Nomp ar de Caumont, duc de la For ce , p air de France , membr e de l’ A -
cadémie française (1675-1726). V . plus loin le Discour s pr ononcé à l’ A cadémie de Borde aux,
le 25 août 1726.
3DISCOU RS P RONONCÉ A LA
REN T RÉE DE L’A CADÉMI E
DE BORDEA UX
LE 15 NO V EMBRE 1717.
sont p as instr uits de nos oblig ations et de nos de v oir s
r eg ardent nos e x er cices comme des amusements que nous nousC pr o cur ons, et se font une idé e riante de nos p eines même et de
nos travaux.
Ils cr oient que nous ne pr enons de la philosophie que ce qu’ elle a
d’agré able ; que nous laissons les épines p our ne cueillir que les fleur s ;
que nous ne cultiv ons notr e esprit que p our le mieux fair e ser vir aux
délices du cœur : qu’ e x empts, à la vérité , de p assions viv es qui ébranlent
tr op l’âme , nous nous liv r ons à une autr e qui nous en dé dommag e , et qui
n’ est p as moins délicieuse , quoiqu’ elle ne soit p oint sensuelle .
Mais il s’ en faut bien que nous so y ons dans une situation si heur euse :
les sciences les plus abstraites sont l’ objet de l’académie ; elle embrasse
4Discour s académiques Chapitr e
cet infini qui se r encontr e p artout dans la phy sique et l’astr onomie ; elle
s’aache à l’intellig ence des courb es, réser vé e jusqu’ici à la suprême
intellig ence , elle entr e dans le dé dale de l’anatomie et les my stèr es de la
chimie ; elle réfor me les er r eur s de la mé de cine , cee p ar que cr uelle qui
tranche tant de jour s, cee science en même temps si étendue et si b
orné e ; on y aaque enfin la vérité p ar l’ endr oit le plus fort, et on la cher che
dans les ténèbr es les plus ép aisses où elle puisse se r etir er .
A ussi, messieur s, si l’ on n’était animé d’un b