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MON T ESQU I EU
ARSA CE ET ISMÉN I E
BI BEBO O KMON T ESQU I EU
ARSA CE ET ISMÉN I E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1116-4
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
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encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A V IS DE L’ÉDI T EU R
’ der nièr es anné es de sa vie que Montesquieu ache va
le r oman d’ Ar sace et Isménie . Il n’avait jamais p erdu le g oût deC l’Orient, ses pr emièr es amour s ; il se plaisait à ces fictions
transp ar entes, qui lui p er meaient de dir e la vérité à ses contemp orains, en se
cachant à demi sous un vêtement étrang er . Il aimait cee histoir e
orientale , amusement de sa vieillesse ; cep endant il hésitait à la publier . V er s la
fin de l’anné e 1754, il é crivait à son cher Guasco : « T out bien p esé , je ne
puis encor e me déter miner à liv r er mon r oman d’ Ar sace à l’imprimeur .
Le triomphe de l’amour conjug al en Orient est, p eut-êtr e , tr op éloigné de
nos mœur s p our cr oir e qu’il serait bien r e çu en France . Je v ous app orterai
ce manuscrit, nous le lir ons ensemble , et je le donnerai à lir e à quelques
amis. »
Montesquieu mour ut deux mois après av oir é crit cee ler e ; Ar sace
fut oublié . Guasco é crivait en 1767 : « Ce r oman n’a p as été imprimé
depuis la mort de M. de Montesquieu. Le manuscrit est entr e les mains de
son fils, M. le bar on de Se condat. La saine p olitique dont il est r empli p erd
p eut-êtr e autant à cee suppr ession que l’amour conjug al qui en fait la
base ¹ . »
1. Leres familières du président de Monleiquieu , 1767, p . 246.
1Ar sace et Isménie Chapitr e
C’ est seulement en 1783 que le fils de Montesquieu publia cee œuv r e
p osthume ² ; il la fit pré cé der de l’avis suivant :
« M. de Montesquieu avait pris bien de la p eine p our p oser des b or nes
entr e le desp otisme et la monar chie temp éré e , qui lui semblait le g ouv
ernement natur el des Français ; mais comme il est toujour s fort dang er eux
que la monar chie ne tour ne en desp otisme , il aurait v oulu, s’il eût été
p ossible , r endr e le desp otisme même utile . D ans cee v ue , il a tracé la
p eintur e la plus riante d’un desp ote qui r end ses p euples heur eux : il s’ est
p eut-êtr e flaé qu’un jour , en lisant son ouv rag e , un prince , une r eine , un
ministr e , désir eraient de r essembler à Ar sace , à Isménie ou à Asp ar , ou
d’êtr e eux-mêmes les mo dèles d’une p eintur e encor e plus b elle .
« A u r este , plusieur s hommes p euv ent êtr e ou desp otes ou r ois dans
leur famille , dans leur so ciété , dans leur s emplois div er s : nous p ouv ons
tous fair e notr e pr ofit de l’ Esprit des Lois et de cet ouv rag e-ci.
« L’auteur v o yait l’ empir e que les femmes ont aujourd’hui sur les p
ensé es des hommes : p our s’assur er les disciples, il a cher ché à se r endr e les
maîtr es fav orables ; il a p arlé la langue qui leur est la plus familièr e et la
plus agré able ; il a fait un r oman : il y a p eint l’amour tel qu’il le sentait,
imp étueux, rar ement sombr e , souv ent badin. »
Ce p etit liv r e n’a p as tr ouvé grande fav eur auprès du public ; on ne
le lit guèr e , c’ est un tort. Sans doute la fable est chimérique ; Ar sace et
Isménie ne sont que des hér os de r oman ; mais sans p arler d’une foule de
maximes et de réfle xions p olitiques où l’ on r etr ouv e l’auteur de l’ Esprit des
lois , j’ ose dir e que Montesquieu n’a jamais rien é crit av e c plus de v er v e et
de chaleur . On dirait de l’ œuv r e d’un jeune homme , si le style n’avait une
pré cision, une éner gie , une cor r e ction que trahissent le talent p ar v enu
à sa maturité . On v oit que Montesquieu est mort dans toute la for ce et
la plénitude de son g énie . Comme témoignag e de cee v erte vieillesse ,
Ar sace aura toujour s de l’intérêt p our la critique et la philosophie .
n
2. Arsace et Isménie, histoire orientale , Londr es et Paris, 1783, chez G. D ebur e , in-24.
2H IST OI RE ORI EN T ALE.
du règne d’ Artamène , la Bactriane fut agité e p ar les
discordes civiles. Ce prince mour ut accablé d’ ennuis, et laissa sonS trône à sa fille Isménie . Asp ar , pr emier eunuque du p alais, eut la
princip ale dir e ction des affair es. Il désirait b e aucoup le bien de l’État, et il
désirait fort p eu le p ouv oir . Il connaissait les hommes, et jug e ait bien des
é vénements. Son esprit était natur ellement conciliateur , et son âme
semblait s’appr o cher de toutes les autr es. La p aix, qu’ on n’ osait plus esp ér er ,
fut rétablie . T el fut le pr estig e d’ Asp ar ; chacun r entra dans le de v oir , et
ignora pr esque qu’il en fût sorti. Sans effort et sans br uit, il savait fair e
les grandes choses.
La p aix fut tr oublé e p ar le r oi d’Hy r canie . Il env o ya des ambassadeur s
p our demander Isménie en mariag e ; et, sur ses r efus, il entra dans la
Bactriane . Cee entré e fut singulièr e . T antôt il p araissait ar mé de toutes
piè ces, et prêt à combar e ses ennemis ; tantôt on le v o yait vêtu comme
un amant que l’amour conduit auprès de sa maîtr esse . Il menait av e c lui
tout ce qui était pr opr e à un app ar eil de no ces : des danseur s, des joueur s
d’instr uments, des far ceur s, des cuisinier s, des eunuques, des femmes ; et
il menait av e c lui une for midable ar mé e . Il é crivait à la r eine les ler es
du monde les plus tendr es, et, d’un autr e côté , il ravag e ait tout le p ay s :
3Ar sace et Isménie Chapitr e
un jour était emplo yé à des des festins, un autr e à des e xp é ditions
militair es. Jamais on n’a v u une si p arfaite imag e de la guer r e et de la p aix ;
et jamais il n’y eut tant de dissolution et tant de discipline . Un villag e
fuyait la cr uauté du vainqueur ; un autr e était dans la joie , les danses et
les festins ; et, p ar un étrang e caprice , il cher chait deux choses incomp
atibles : de se fair e craindr e et de se fair e aimer . Il ne fut ni craint ni aimé .
On opp osa une ar mé e à la sienne ; et une seule bataille finit la guer r e . Un
soldat, nouv ellement ar rivé dans l’anné e des Bactriens, fit des pr o dig es
de valeur ; il p er ça jusqu’au lieu où combaait vaillamment le r oi d’Hy
rcanie , et le fit prisonnier . Il r emit ce prince à un officier ; et, sans dir e
son nom, il allait r entr er dans la foule ; mais, suivi p ar les acclamations,
il fut mené comme en triomphe à la tente du g énéral. Il p ar ut de vant lui
av e c une noble assurance ; il p arla mo destement de son action. Le g énéral
lui offrit des ré comp enses : il s’y montra insensible ; il v oulut le combler
d’honneur s : il y p ar ut accoutumé .
Asp ar jug e a qu’un tel homme n’était p as d’une naissance ordinair e .
Il le fit v enir à la cour ; et, quand il le vit, il se confir ma encor e plus dans
cee p ensé e . Sa présence lui donna de l’admiration ; la tristesse même
qui p araissait sur son visag e , lui inspira du r esp e ct ; il loua sa valeur , et
lui dit les choses les