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Rebonds Karl Marx était un libéral ZAKI LADIdirecteur de recherche au Centre détudes européennes - Sciences Po. QUOTIDIEN : jeudi 5 juin 2008
L e libéralisme ne se résume nien une phrase ni en un corpus canonique et homogène. Mais le point de ralliement du libéralisme cest laspiration forte à lémancipation de lindividu face aux tutelles de la famille, de lEgliseou de lEtat. Or, selon lépoque et les situations, le sensdonné à cette émancipation a changé, doù les inévitables confusions ou anachronismes. Marx, comme le rappelle Pierre Manent, était libéralcar il voyait dans la lutte des classes le moteur de lautonomie du social face à un Etat auservice des classes possédantes. Même la propriété publique des moyens de production a longtemps été combattue à gauche, decrainte de compromettre la classe ouvrière avec lEtat bourgeois. Lidentification absolue et théologique de la gauche à lEtata atteint son paroxysme en France dans les années 90, quand la défense de lEtat sest identifiée à la défense des statutsdes fonctionnaires de lEtat. Doù la conversion de la gauche radicale à la défense inconditionnellede lEtat et labandon de la thématique de lEtat bourgeois. LEtat devient alors le rempart contre le marché.
Ceci étant, la synthèse entre socialisme et libéralisme a été historiquement très limitée car elle a butésur larticulation entre libéralisme culturel dune part, et libéralisme économique de lautre. Il y a bien sûr eu ici ou là des tentatives de synthèse idéologique, mais elles sont restées toujours modestes. Avec le libéralismeculturel, la gauche a entretenu une relation assez forte, surtout après Mai 68. Cest au travers de lémancipation culturelle des individus face aux codes moraux de lautorité familiale et religieuse que lagauche non communiste des années 70 sest développée. Cest aussi à gauche quest née la revendicationpour la parité homme-femme ou la lutte contre les discriminations sexuelles. Mais à mesure que la gauche se montrait culturellement libérale, elle se construisait une identité antilibérale sur le plan économique, le néolibéralisme étant alors assimilé àla dérégulation et à la marchandisation. Le problème est que cette dichotomie entre libéralisme culturelet libéralisme économique devient de plus en plus difficile à maintenir, car lappropriationcollective des moyens de production nest plus au cœur du projet de la gauche. De surcroît, les logiques dindividualisation des préférences et des choix coïncident aussi avec lavènement dune réalité socio-économique où lindividualisation des tâches et des métiers, ainsi que la flexibilité du travail, deviennent prépondérantes. Cest cette fluiditéentre libéralisme économique et libéralisme culturel quicontraint la gauche à repenser son rapport au libéralisme. Or, cest cette nouvelle donne que la gauche ne sait plusgérer. De ce point de vue, le fait que le maire de Paris se fasse lavocat dune synthèse politique entre socialisme et libéralisme nest pas un hasard. Il mesure que les demandes sociales sontcomplexes, multiples et individualisées. Et que, face à cela,le socialisme à la Robin des Bois véhiculé par la LCR est inopérant, même si la redistribution jouera un rôle essentiel et continuera à diviser la droite et la gauche. A partir de là, quels sont les axes autour desquels la gauche peut continuer à être prioritairement au service des plusvulnérables et non pas apparaître comme le premier syndicat des fonctionnaires ?
Etre libéral et seulement libéral, cest créer des parcours sans se soucier des conditions concrètes de réalisation de ces parcours. Etre social et libéral, cest accompagner les parcours de garanties crédibles. Remplacer le parcours par le statut, ce nest pas seulement remplacer un mot par un autre, troquer de la garantie contre de la précarité. Cest prendre en compte la diversité des individus, la diversité des tâches, leurconstante évolution. Or, si le système étatique est en crise profonde de confiance et de légitimité, cestprécisément parce que la garantie statutaire ne suffit plus aux individus. Ceci dautant plus que lEtat est probablement un desplus mauvais gestionnaires de ressources humaines. La deuxième convergence entre socialisme et libéralisme passe par labandon de la dichotomie dépassée entre lEtat et le marché. Voir dans lEtat le représentant du seulbien public et dans le marché son ennemi ne correspond plus à la réalité du monde. LEtat peut défendre des intérêts catégoriels contraires au bien public. De la même manière que le marchépeut créer du bien public dès lors quil est encadré par des règles strictes. Le succès spectaculaire du Vélib illustre bien le mariage entreun quasi-bien public - le vélo - et un acteur privé. Or, pour dépasser cette contradiction, il fautà tout prix que la gauche sapproprie la logique de la concurrence et de la compétition qui sontdes instruments puissants de lutte contre les rentes. Les lois Royer, Galland et Raffarin ontcherché à protéger le petit commerce contre les grandes surfaces. La réalité est quelles ont renforcé la cartellisation sans précédent de la grande distribution, faisant de laFrance un des pays dEurope où les baisses sont trèsrarement répercutées. Qui peut donc nier que plus de concurrence réduira les prix en ouvrant davantage le marché ? Etre favorable au marché, ce nest pas troquer plus defficacitécontre plus de justice sociale. Cest, au contraire, éviter la construction de rentes desituation qui profitent à ceux qui sont en
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