Denis Diderot
Miscellanea philosophiques
Garnier, 1875-77 (pp. 86-89).
SUR
LES LETTRES D’UN FERMIER
DE PENSYLVANIE
[1]AUX HABITANTS DE L’AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE .
1769
C’est une grande querelle que celle de l’Angleterre avec ses colonies. Savez-vous, mon ami, par où nature veut qu’elle finisse ? Par
une rupture. On s’ennuie de payer, aussitôt qu’on est le plus fort. La population de l’Angleterre est limitée ; celle des colonies ne l’est
pas. Avant un siècle, il est démontré qu’il y aura plus d’hommes à l’Amérique septentrionale, qu’il n’y en a dans l’Europe entière. Alors
un des bords de la mer dira à l’autre bord : Des subsides ? Je ne vous en dois pas plus que vous ne m’en devez. Faites vos affaires,
et laissez-moi faire les miennes. Me pourvoir des choses dont j’ai besoin chez vous, et chez vous seul ? Et pourquoi, si je le puis avoir
plus commodément et à meilleur prix ailleurs ? Vous envoyer les peaux de mes castors, pour que vous m’en fassiez des chapeaux ?
Mais vous voyez bien que cela est ridicule, si j’en puis faire moi-même. Ne me demandez donc pas cela. C’est ainsi que ce traité de
la mère patrie avec ses enfants, fondé sur la supériorité actuelle de la mère patrie, sera méprisé par les enfants quand ceux-ci seront
assez grands.
Voici une exposition abrégée des démêlés présents de l’ Angleterre et de ses colonies. Lorsque l’Angleterre avait besoin des
subsides de ses colons, elle faisait remettre par les gouverneurs d’outre-mer, aux assemblées provinciales, ...
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